Nicolas Pomiès, directeur de L'Avenir Mutualiste et de l'UGOSS
(mutuelles solidaires pour un retour à la Sécu de 1945) me fait parvenir un texte sur la mainmise de l'assurance privée sur la Sécu. Ce texte de Jean-François Couvrat vaut autant par la pertinence de ses analyses que par la précision de ses informations. Qu'il en soit ici remercié. Je me permets de le reproduire intégralement, dans le seul souci de contribuer à sa plus large diffusion possible. Je rappelle que la fonction de ce blog est d'offrir un large espace d'information et de débat, et que toutes les contributions sont bienvenues.
Bernard Berthelot.
18 juillet 2008
A la santé de l’assurance privée
A la santé de l’assurance privée
Avant la fin juillet, le gouvernement envisage d’annoncer les mesures « structurelles » visant à assurer l’équilibre financier de l’assurance maladie. D’ici là, il en discutera « sans tabou » avec deux interlocuteurs : les partenaires sociaux, c’est bien naturel ; mais aussi l’assurance privée, mutuelles en tête, ce qui l’est moins.
Il ne fait aucun doute que l’assurance privée, qui finance déjà 12,5% des dépenses françaises de santé – un record en Europe – va empiéter encore un peu plus sur le domaine de la Sécurité sociale. Nicolas Sarkozy voulait « revoir la frontière entre ce qui relève de la solidarité collective et ce qui doit relever de la responsabilité individuelle. » Nous y sommes.
Pour ce faire, le gouvernement ne prendra d’ailleurs pas la mesure qu’avait proposée le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie : cesser de rembourser certains médicaments aux assurés atteints de longues maladies. Cette proposition, retirée début juin sous les huées, pourrait bien n’avoir été qu’une adroite diversion.
Aujourd’hui, une autre idée tient la corde. La Sécurité sociale ne rembourserait plus à 100% sur critère médical – les trente affections de longue durée – mais sur critère financier : chaque assuré bénéficierait d’un remboursement à 100% au-delà d’un certain niveau de dépense annuelle. Et ce niveau serait proportionnel au revenu.
Ses promoteurs appellent ce projet : « bouclier sanitaire ». C’est une façon de parler. Il s’agit plutôt d’une flèche montrant aux classes moyennes la direction des assurances complémentaires santé. Un monde où sévissent les plus criantes inégalités. Selon l’Irdes (1), l’assurance complémentaire santé pèse d’autant plus lourd dans le revenu d’un ménage que son revenu est faible.
Un contrat individuel coûte 10,3% du revenu aux ménages gagnant moins de 800 euros par mois et par unité de consommation – et pour cette raison, 14,4% renoncent. Ce contrat ne coûte que 2,9% du revenus aux ménages gagnant plus de 1.867 euros – et 97% d’entre eux sont couverts. Telles sont les caractéristiques de la “responsabilité individuelle“.
Deux pays industriels seulement devancent la France pour la part de l’assurance privée dans le financement des dépenses de santé : les Etats-Unis et le Canada. De justesse au Canada, où la rupture s’est faite au tournant du siècle (cliquez sur le graphique pour l’agrandir). Les Canadiens savent que le coup de frein à la dépense publique, si souvent vantée, a alors coïncidé avec un surcroît de dépense privée : moins de prélèvements obligatoires, plus de prélèvements facultatifs.
Aux Etats-Unis, depuis 1960, la part des assurances privées dans le financement des dépenses de santé a suivi le mouvement politique. Cette part s’est généralement plus accrue durant les présidences républicaines. Elle fit même des bonds spectaculaires durant les mandats de Richard Nixon, Gérald Ford, Ronald Reagan et Georges Bush senior. En revanche, elle régressa de quatre points sous Lyndon Johnson, réputé le plus à gauche des présidents démocrates. Quant aux deux mandats de Bill Clinton, on les distingue assez clairement
(1) Institut de recherche et de documentation en économie de la santé
Jean-François Couvrat.
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