L'argent de la Sécu


L'argent de la Sécu les intéresse.

Voilà encore un article consacré à la défense de la Sécu. Ce n'est pas trop, compte tenu des attaques dont elle est aujourd'hui l'objet, le problème étant seulement de proportionner la force de la défense à la virulence des attaques et d'éclairer les différents aspects de la question Il s'agira ici de montrer que, derrière les politiques, il y a des intérêts et des hommes.

Les quatre hommes dont il sera question ont des liens étroits avec le pouvoir et avec le patronat, nul ne s'en étonnera. Mais ils ont aussi partie liée avec le monde de l’assurance et c’est pourquoi l’argent de la Sécurité sociale les intéresse. Si l’on considère que le budget de la Sécurité sociale est équivalent au budget de l’Etat, il y a pour les assurances un formidable marché. Pour eux, la santé est avant tout un « business » et tout est bon pour se l’accaparer.

Xavier Bertrand

Agent général d’assurances
de 1992 à 2004
Secrétaire d’Etat à l’Assurance maladie,
de 2004 à 2005
Ministre de la Santé et des Solidarités
de 2005 à 2007
Ministre du Travail
des Relations sociales et de la Solidarité
à partir de mai 2007

Le ministre Xavier Bertrand, chargé de la solidarité, vient du monde de l’assurance, et il en représente les intérêts. Son objectif déclaré est, en matière de financement, d’opérer un transfert du public sur le privé. Il suggère, en matière de dépendance, de «prendre en compte le fait que les générations qui seront dépendantes dans les 20 prochaines années seront globalement mieux dotées en patrimoine que les générations qui les ont précédées ou qui vont leur succéder», et il en appelle à la conscience des Français pour promouvoir les comportements d’anticipation, d’épargne et de prévoyance, rappelant que « Les organismes de prévoyance - assurances, mutuelles, institutions de prévoyance - ont d'ores et déjà développé une offre en matière de dépendance».
(Déclaration du 17 janvier 2008, au Sénat)

Autrement dit, la Sécurité sociale ne serait bientôt plus en mesure de répondre à sa mission première , telle qu'elle est définie dans le "Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946" :

"Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence".

C'est pour cela qu'a été instituée la Sécu : garantir les travailleurs des vicissitudes de l'existence, sans les enchaîner à une quelconque assistance caritative. Et cela ne serait plus possible : pourquoi donc ? Parce que les vieux seraient trop nombreux, et trop vieux, et trop malades !! Ou parce que l'idée même d'une société solidaire ne serait plus de mise, ou plus de saison ?? Bref, la société en raison des progrès (sic !) de la médecine, et de l'allongement de l'espérance de vie (re-sic!) n'aurait plus les moyens de prendre en charge tous ces vieux et tous ces malades, a fortiori tous ces vieux malades ! Qui donc voudrait payer pour prendre soin d'eux et leur assurer des moyens d'existence convenables ?

Xavier Bertrand a trouvé une solution à cet épineux problème : ces vieux-là, s'ils sont souvent plus vieux que les vieux d'antan, sont aussi souvent plus riches : "ces générations sont mieux dotées en patrimoine que les précédentes". Eh bien, pourquoi ne paieraient-ils pas eux-mêmes l'entretien de leurs vieux jours, en gageant leur patrimoine ? Xavier Bertrand le rappelle, "les assurances ont déjà développé une offre en matière de dépendance". Et il est vrai que les assureurs rivalisent d'ingéniosité pour mettre au point toutes sortes de prêts hypothécaires viagers permettant de capter le patrimoine rémunérateur des "papy boomers" et de financer par ce biais leur séjour en maison de retraite. Ce sera tout bénéfice !

Quant aux générations à venir, qui peuvent craindre d'être moins bien dotées en patimoine, il leur appartiendra, faute de pouvoir compter sur un système de solidarité digne de ce nom, de couvrir tous les risques de la vie, y compris le risque dépendance, par l'assurance privée la mieux placée sur le marché. Il leur faudra recourir à l'épargne et à la prévoyance, dit le ministre, et chacun sait à quel point il s'agit là de vertus, dans le monde capitaliste, où chacun ne doit compter que sur lui-même !

Denis Kessler

Vice-président exécutif du MEDEF
de 1998 à 2002
Membre du Comité européen
des Assurances
de 1990 à 2002
Directeur Général
d’Axa en 97 et 98
PDG du groupe Scor (réassurance)
Depuis nov. 2002

Denis Kessler est le représentant à la fois du MEDEF et de l’assurance privée (Axa, Scor…) Il est de plus l’idéologue de service : il dit tout haut ce que les autres pensent tout bas ! Comment croire un seul instant qu’il pourrait soutenir un système de solidarité dont il déclare vouloir se débarrasser. Il s'est fait remarquer récemment par un propos pour le moins compromettant : « Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie » (…) « Il s’agit aujourd’hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la résistance ! »

Voilà ce que révèle avec un grand cynisme Denis Kessler. Il faut en finir avec la Sécurité sociale, pour mettre à la place un système d'assurances privées qui présentera, de son point de vue et du point de vue de la classe qu'il représente un double intérêt :
  1. exonérer le patronat de ses cotisations, c'est-à-dire, selon la terminologie en faveur dans "Challenges" ou "Expansion", de toute "charge sociale". Les "cotisations salariales", qu'il sera toujours possible d'augmenter, au besoin, seront bien suffisantes pour financer un système de protection au rabais. La Sécurité sociale deviendrtait une sorte de CMU (Couverture minimale universelle).

  2. livrer le marché de la santé aux assurances privées. A la Sécu le non rentable et les déficits ; aux assurances privées la rentabilité maximale et les profits.
N'est-ce pas ainsi que l'on privatise en France ?


Guillaume Sarkozy


Frère aïné de Nicolas Sarkozy
Vice Président du
MEDEF jusqu’en 2005
Chef d’entreprise
dans le secteur textile
jusqu’en 2005
Délégué général de
Médéric Prévoyance
(Groupe de
retraites complémentaires)

Jean Louis de Mourgues
Sous-directeur à la Direction des assurances
au ministère de l’Economie et des Finances, de 83 à 89
Directeur général
du groupe AG2R en juillet 1990
Délégué général du Groupe Prémaliance
Député UMP depuis 1977


Guillaume Sarkozy et Jean-Louis de Mourgues sont en première ligne dans les grandes manœuvres qui s’engagent à la Sécu. Les salariés des organismes de Sécurité sociale sont actuellement en lutte contre le régime de complémentaire santé obligatoire que prétend leur imposer l’UNCASS (Union Nationale des Caisses de Sécurité Sociale). Ce régime, qui serait fatal aux mutuelles de salariés et à leurs œuvres sociales, attribue 50 % de la gestion des organismes de Sécurité sociale aux groupes Médéric et AG2R. Or, Il se trouve que le directeur général de Médéric n'est autre que Guillaume Sarkozy ancien vice-président du Medef et ancien vice-président de la CNAM et que le groupe AG2R est dirigé par Jean-Louis de Mourgues, dont le pedigree n'a rien à envier au premier. Ce sont ces groupes qui sont pressentis pour prendre le relais de la Sécurité sociale, une fois qu’elle aura disparu. Voilà pourquoi il faut que la Sécu disparaisse ! Cela montre le très gros appétit des groupes privés et leur hâte de se partager le gâteau, avec l’appui du gouvernement.

On voit bien ce qui est en jeu : sous couvert d'assurer à la Sécurité sociale de nouvelles ressources, propres à garantir de nouveaux risques "le cinquième risque" par exemple (à quand le sixième ?), on y fait entrer les groupes et les fonds privés, dans le but inavoué de la phagocyter. Mais cela, il ne faut surtout pas le dire. Chut, semble dire Xavier Bertrand, et ils prétendra être attaché à la Sécu, et tout mettre en oeuvre pour la préserver. C'est déjà ce que prétendait Juppé. Les travailleurs n'ont pas été dupes alors : ils se sont mobilisés par centaines de milliers. Il n'y a aucune raison de penser qu'ils le seraient aujourd'hui. C'est pourquoi le POI appelle de nouveau à la mobilisation.

Halte au pillage des caisses de la Sécu.
Halte aux manœuvres du gouvernement, du patronat et des assureurs.






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