Chasse aux fonctionnaires


De Charlie Hebdo (In extenso)

LA CHASSE AUX FONCTIONNAIRES EST OUVERTE

Article paru dans Charlie-Hebdo N°645 (mercredi 27 octobre 2004)

RÉFORME DE L'ÉTAT

Renaud Dutreil se lâche: « Le problème que nous avons, c'est que les gens sont contents des services publics ».

Devant les ultralibéraux de la Fondation Concorde, le ministre de la Réforme de l'État s'est lâché et a dit tout le bien qu'il pense des fonctionnaires.
Le restaurant Pépita, situé à proximité des Champs-Élysées, était rempli, mercredi 20 octobre, d'une soixantaine de costumes-cravates à la mine cireuse, venus assister à un petit déjeuner-débat avec Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Cette conférence était organi sée par la Fondation Concorde, think tank ultra libéral proche de Jacques Chirac. Florilège des déclarations du ministre, sur le thème de prédilection de la droite : « Comment insuffler le changement ».


« Les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation. Ces gens-là sont inutiles, mais continuent de peser très lourdement. La pension d'un retraité, c'est presque 75% du coût d'un fonctionnaire présent. Il faudra résoudre ce problème. »

« À l'heure actuelle, nous sommes un peu méchants avec les fonctionnaires. Leur pouvoir d'achat a perdu 4,5% depuis 2000. »

« Comme tous les hommes politiques de droite, j'étais impressionné par l'adversaire. Mais je pense que nous surestimions considérablement cette force de résistance. Ce qui compte en France, c'est la psychologie, débloquer tous ces verrous psychologiques. » « Le grand problème de l'État, c'est la rigidité de sa main-d'œuvre. Pour faire passer un fonctionnaire du premier au deuxième étage de la place Beauvau, il faut un an. Non pas à cause de l'escalier [rires dans la salle], mais des corps. Il y a 1400 corps. 900 corps vivants, 500 corps morts [rires], comme par exemple l'administration des télécoms. Je vais les remplacer par cinq filières professionnelles, qui permettront la mobilité des ressources humaines : éducation, administration générale, économie et finances, sécurité sanitaire et sociale. Si on ne fait pas ça, la réforme de l'État est impossible. Parce que les corps abritent les emplois inutiles. »

« C'est sur l'Éducation nationale que doit peser l'effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique. Sur le 1,2 million de fonctionnaires de l'Éducation nationale, 800 000 sont des enseignants. Licencier dans les back office de l'Éducation nationale, c'est facile, on sait comment faire, avec Éric Woerth [secrétaire d'État à la Réforme de l'État] on prend un cabinet de conseil et on change les process de travail, on supprime quelques missions. Mais pour les enseignants, c'est plus délicat. Il faudra faire un grand audit.»

« Le problème que nous avons en France, c'est que les gens sont contents des services publics. L'hôpital fonctionne bien, l'école fonctionne bien, la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d'une crise majeure - c'est ce que fait très bien Michel Camdessus -, mais sans paniquer les gens, car à ce moment-là ils se recroquevillent comme des tortues. »

EMMANUELLE VEIL



VADE RETRO, CHARLIE HEBDO ! Avant d'assister à ce petit déjeuner-débat, nous avions appelé le cabinet de Renaud Dutreil pour confirmation de l'endroit et de l'heure. Le service de presse nous déclara alors que la conférence était interdite aux journalistes. Elle n'était en fait interdite qu'aux journalistes de Charlie, puisque l'AFP avait été invitée et que, sur place, il y avait RTL, L'Expansion, etc. ! A la fin du débat, lorsque le président de la Fondation Concorde, Michel Rousseau, apprit quel journal nous représentions, il nous demanda de ne plus venir aux réunions de la Fondation Concorde: « Nous n'avons pas besoin de la presse comme vous. »




Pourquoi cet article de Charlie hebdo ? Parce que je reçois ce texte aujourd'hui, de deux camarades dignes de foi : ce texte est censé rapporter des propos tenus le 20 octobre 2008. Le premier camarade appelle à diffuser cet article le plus largement possible, la seconde camarade exprime son écœurement : "Comment rester calme ?" Et en effet, l'article est "affolant"! Devant l'énormité du propos, je me dois d'identifier précisément l'origine de cette véritable déclaration de guerre aux fonctionnaires, émaillée de plaisanteries douteuses, de déclarations injurieuses et d'allusions perfides. Qu'un propos aussi malveillant et aussi vachard sur la fonction publique puisse avoir été tenu par un ministre ayant en charge ... la fonction publique et à ce titre, chargé de la soutenir et de la défendre, cela dépasse l'entendement, même dans un gouvernement qui, on le sait, n'est pas tendre pour les fonctionnaires et organise leur suppression en grand nombre. Je ne connais guère qu'un ministre à s'être acharné avec une telle brutalité et un tel cynisme sur ses "protégés" : il s'agit de Claude Allègre, dont les enseignants ne gardent pas le meilleur souvenir : chacun se souvient du mammouth qu'il fallait dégraisser. Ici, les fonctionnaires sont traités de parasites et autres gentillesses : un pas de plus est franchi. Raison de plus pour vérifier l'authenticité du texte, avant de le mettre en ligne sur le blog.

Premièr élément : l'article a bien publié par Charlie Hebdo, mais il est daté du 27 octobre 2004, et ne peut donc faire état d'un propos tenu le 20 octobre 2008 !

Deuxième élément : le ministre de la Fonction publique (et de la Réforme de l'Etat) est alors Renaud Dutreil. C'est donc à lui qu'il faudrait imputer les propos rapportés par Charlie hebdo. On pourra, au passage, apprécier quel personnage était Renaud Dutreil.

On peut néanmoins se demander pourquoi cet article de Charlie Hebdo est aujourd'hui exhumé, et circule sur le net comme s'il s'agissait d'un article récent, tantôt attribué à Eric Woerth, tantôt à André Santini ! J'avoue ici ne pas être dans le secret des dieux.

Je ne vais pas crier à l'injustice en prenant la défense d'Eric Woerth ou d'André Santini, mais il me semble néanmoins de bonne justice de rendre à Jules ce qui appartient à César.

Alors, pourquoi mettre en ligne cet article, 4 ans après sa parution ? La raison en est simple : le propos que Dutreil a tenu il y a 4 ans pourrait tout aussi bien l'être aujourd'hui par Eric Woerth ou André Santini. Sans doute s'en défendraient-ils, mais l'on sait de quoi ils sont l'un et l'autre capables lorsqu'ils "se lâchent" !

Alors, si ce n'est toi, c'est donc ton frère ? Si l'on veut, car ces trois là nourrissent une fraternité idéologique : ils ont les fonctionnaires en horreur, et ils les méprisent profondément. De plus, les propos haineux de Dutreil étaient prémonitoires et prennent tout leur sens aujourd'hui, alors que Woerth et Santini s'évertuent à mettre à mort la fonction publique. Peu importe après tout que l'article de Charlie Hebdo ait été écrit en octobre 2008, en octobre 2007, ou en octobre 2004. Il est, d'une certaine manière, intemporel, comme les idéologies qui ne meurent pas ou la bête immonde qui n'en finit pas de revenir ! Quant à ces extrémistes de la fondation "Concorde", qui gloussent comme de vieilles coquettes à la moindre saillie anti-fonctionnaire ils appartiennent à cette classe de possédants prétentieux à qui insupporte ce qu'il reste de sécurité de l'emploi pour certaines catégories de travailleurs ! Et ce sont eux qui nous diront qu'il n'y a plus de classes sociales!



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