En est-il encore parmi nous qui ne sachions que communication signifie aujourd’hui manipulation, mystification, falsification, bref piège à cons ou attrape couillons, puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom ? Remercions alors Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris et grand « communicant » devant l’Eternel, de l’avoir confirmé avec tant d’éclat.
Communiquer, cela signifie pour lui relancer la réforme du lycée retirée par le ministre Xavier Darcos sous la pression de la rue : c’est la mission qui lui a été confiée par Nicolas Sarkozy.
Communiquer, cela signifie persuader les 1.470.000 couillons que sont sans doute à ses yeux les enseignants et, en premier lieu, les 15.000 qui auront été « visités » dans les 100 départements de l’hexagone, que tout va être remis à plat, que la réforme nouvelle est annoncée et qu’elle sera réalisée quasiment sous leur dictée, bref que la réforme Darcos tant haïe va devenir une réforme aimée parce que ce sera la leur.
C’est du moins ce que leur dit Richard Descoings, mais cela ne suffisait pas, semble-t-il, à dissiper le scepticisme. Qu’à cela ne tienne, c’est en recourant aux outils « high tech » que le grand communicateur entend triompher de tous les doutes et de toutes les objections, contre lesquels la vieille rhétorique ne peut rien.
Car la communication, c’est à présent une technique qui doit, pour trouver toute sa puissance, s’appuyer sur une technologie aussi sophistiquée que discrète. Les caméras numériques, les micro ordinateurs, font partie de l’environnement quotidien et ils sont sans doute peu nombreux, élèves, professeurs ou parents, à s'être aperçus qu’ils étaient filmés et qu’ils se retrouveraient bientôt sur le site créé pour l’occasion : lyceepourtous.fr. Bien sûr, on tendait un micro aux intervenants, mais la plupart ont sans doute pensé que c’était uniquement pour leur permettre de se faire entendre de l’honorable assistance !
Les images du site ne sont pas actives : elles n'invitent pas a y naviguer, mais seulement à s'en faire une idée.
Qu’on ne s’y trompe pas : le site, qui pourrait apparaître comme un habillage ou la caution techno moderniste de l’opération, en est en réalité le but ultime. C’est lui qui doit donner à voir une consultation, mettre en scène une concertation, mettre en images une participation. L’internaute est invité à suivre les étapes de la mission Descoings comme on suit les étapes du Tour de France cycliste, à visionner les vidéos, à se saisir des questions posées en participant au débat, laisser des commentaires sur le site.
N’est-ce pas là une bien belle consultation et un bien beau débat ? Richard Descoings se targue "d’explorer de nouveaux espaces publics de libération de la parole".
Les moyens de cette libération ? "Un dispositif qui comprend entre autres une chaîne de partage vidéo YouTube, un flux twitter, un bog, des débats, des témoignages, et un suivi de son tour de France ", indique le journal « Le Monde » du 18 avril 2009. Bref, le grand barnum de la « nouvelle communication ».
Quant à la « libération de la parole », elle consisterait selon Pierre Darnay, de "Trilog" (l’entreprise qui filme la consultation) dans la recherche de l’authenticité. Selon lui, en effet, Richard Descoings « ne filtre rien. On sent bien qu’il aime l’authentique, et si ça fait du buzz, tant mieux ». Après avoir rappelé que le mot anglais « buzz » signifie bourdonnement, ce qui n’apporte guère de clarté à la phrase de Darnay, j’affirmerai que Richard Descoings filtre, qu’il filtre beaucoup : tout est affaire de montage. Darnay le sait très bien, et je n’hésite pas à dire que c’est un fieffé menteur, lui aussi un grand communicateur ! Pour s’en convaincre, il suffit de visionner les vidéos prises au lycée Pierre de la Ramée de Saint-Quentin, et de les recouper avec l'article du journal « L’Aisne nouvelle » qui relate l’événement. Quant aux intervenants qui ont été filmés, qu’ils disent si c’est toute leur intervention qui a été filmée, et si la vidéo en rend fidèlement compte.
Qu’on se demande enfin si toutes ces vidéos prises ici ou là permettent de se faire une idée juste du lycée d’aujourd’hui et si de ces bavardages dont on prétend faire les éléments d’une concertation peut sortir une réforme . Et au fond, avons-nous vraiment besoin de Communicator pour en finir avec cette réforme ; ne l’avons-nous pas déjà enterrée ?
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