5 ans = 80.000 postes d'enseignants supprimés


5 ans = 80 000 postes d’enseignants supprimés :
l’équation sordide d’un crime contre la civilisation.


Que s’est-il passé entre 2007 et 2012 ? Une vague d’attentats contre l’école de la république a été perpétrée au nom d’une idéologie ultralibérale. Certes le président élu en ce funeste 6 mai 2007 avait annoncé la couleur en matière d’éducation durant sa campagne électorale, sans toutefois laisser présager de tels ravages et sans que mandat lui ait été donné pour une telle dévastation.

À l’entendre, l’école coûte trop cher, il faut faire mieux avec moins de personnel ; il explique d’ailleurs sa stratégie en s’adressant directement aux enseignants par une lettre dont les figures de style et la rhétorique ne trompent personne : pendant 5 ans ça va bastonner question postes, attendez vous a ce que cela cogne ! On va voir ce qu’on va voir !

Aussi 5 ans plus tard, nous avons vu ! Les classes sont surchargées, les programmes disciplinaires sont vidés de tout contenu, les personnels sont menacés dans leur intégrité morale et physique, 150.000 jeunes quittent le système éducatif sans diplôme, l’illettrisme est de retour, et encore ne s’agit que de quelques chefs d’accusation pesant sur l’Éducation Nationale. Il faut souligner que ce terrible réquisitoire est souvent dressé contre l’institution elle-même alors que l’entreprise de démolition est d’abord imputable à celui qui l’a initiée au sommet de l’État, ensuite à ceux qui, aux différents échelons de la hiérarchie, ont pu lui apporter leur concours : des recteurs et des chefs d’établissements, des chefs de travaux, des inspecteurs chargés de diffuser la pensée unique, de corriger les récalcitrants en faisant régner la terreur dans les académies… la liste hélas n’est pas close.

Voilà pour les faits, qui sont accablants. Il faut bien sûr les dénoncer sans relâche, mais il ne faut pas oublier que cette politique dévastatrice a été conduite au nom d’une idéologie funeste qui organise un véritable crime contre le savoir, la culture et la civilisation.

La destination de l’Éducation Nationale est pervertie : l’école publique est mise dans l’impossibilité d’assurer sa mission la plus noble, qui est d’offrir aux personnes de condition modeste l’accès au savoir, à la culture, ainsi que l’apprentissage d’un métier. On veut anéantir cette école de la république qui, par son ambition émancipatrice (« institutrice » disait Alain), faisait jadis la fierté de la France.

Aujourd’hui l’image du service public est dégradée, le système éducatif est livré aux intérêts marchands, impuissant face à des médias surtout attachés à « vendre du temps de cerveau disponible pour Coca Cola ». Cette politique délibérée qui vise à abrutir la jeunesse, à lui ôter toute capacité de réflexion, permet de mieux l’enfermer dans le chômage de masse, la précarité et trop souvent dans l’alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance, ce cortège de misères que l’école devait éradiquer.

La politique scolaire dévastatrice conduite depuis cinq ans est digne des pires des régimes. S’attaquer à l’école est la marque constante des régimes autoritaires. Si l’on y ajoute la politique des Hortefeux, Guéant et Cie en matière d’immigration, les appels de plus en plus insistants aux électeurs du Front national, on voit mieux encore « de quoi Sarkozy est le nom » : du « pétainisme », ou encore du « bonapartisme », voire du fascisme » disait Alain Badiou en 2007.

Ce régime, en s’attaquant à l’instruction et à la culture, perpètre un crime contre l’humanité de l’Homme. En s’attaquant aux personnels de l’Éducation nationale, il porte atteinte à l’intégrité des personnes et à leur santé physique et morale : lorsqu’on supprime un poste d’enseignant, on détruit une personne en lui infligeant des conditions volontairement rendues insupportables à travers le mécanisme cynique des « mesures de carte scolaire » : affectations lointaines, TZR sur plusieurs établissements... On demande de plus en plus aux chefs d’établissement d’être des « liquidateurs », des « pousse à la démission », de pratiquer le « management par le stress », tel qu’il a sévi à France Télécom, et qui peut se flatter de 80 suicides. Quel score pour l’école ? C’est la question taboue : ce chiffre doit être secrètement gardé dans un coffre fort. Qu’a cela ne tienne, l’Éducation Nationale a déjà tué à plusieurs reprises, l’actualité en fait régulièrement écho : suicide de personnel et d’élève, homicide au couteau en pleine cour de récréation, non surveillée bien entendu car les surveillants ont été réduits comme peau de chagrin.

Attenter avec une telle violence au droits de l’Homme à l’instruction, à l’insertion sociale, est un choix politique, ce n’est pas une fatalité. Encore une fois, nous sommes face à un crime contre la civilisation caractérisé par une atteinte aux droits fondamentaux attachés à la personne humaine.

Ces droits sont intangibles (« inaliénables » et « imprescriptibles disait la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen). En d’autres termes, ils ne sont pas négociables. Ils affirment au-delà de tout courant politique que la vie humaine est précieuse et qu’y porter atteinte, la menacer, la précariser, la réduire pour satisfaire des intérêts de quelques uns, c’est nous renvoyer à une barbarie d’un autre âge. L’Histoire montre assez que l’extrémisme trouve un terreau fertile dans l’anéantissement de la culture sur lequel se bâtit la haine de l’autre, la désignation de boucs émissaires et la violence contre des coupables désignés

La France, non pas « la fille aînée de l’Église », ni celle des monarchies, mais celle des droits de l’Homme, celle qui « répond toujours du nom de Robespierre » n’a jamais cessé de combattre l’obscurantisme et la barbarie, des révolutionnaires de 1789 aux communards, des résistants aux militants ouvriers qui ont payé de leur vie pour arracher les enfants aux mines et en finir avec l’aliénation de l’homme au travail.

C’est à ces hommes et femmes que nous voulons rendre hommage en dénonçant ceux qui s’en prennent à cet inappréciable outil d’émancipation qu’est l’école de la République. Les coupables de cette infamie doivent être mis hors d’état de nuire. Contre la classe dirigeante qui a fait le choix de l’ignorance et de l’obscurantisme, l’école doit être défendue comme le bien public le plus précieux.


Eddy Cassen








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