Le sens d’une mobilisation.
La une du n°334 d’Informations
Ouvrières juxtapose deux photos : celle de gauche montre l’immense
foule rassemblée place de la République, la seconde les quelques 50 chefs
d’état réunis derrière François Hollande
pour la « marche républicaine ».
Avec une question :
« Et
maintenant ? Réussiront-ils à profiter de la légitime émotion provoquée
par les attentats pour faire passer la loi Macron et les
contre-réformes » ?
Le
« ils » ne désigne évidemment pas « les chefs d’État de la
planète, l’OTAN, les Églises, le Medef »… mais le Président de la
République, le Premier ministre et son gouvernement. Quant au Medef, on ne voit
pas ce qu’il ferait avec les chefs
d État, l’OTAN et les Églises. En revanche on voit bien ce qu’il a à faire
dans les manœuvres de Hollande et de Valls pour faire avaliser le « pacte
de responsabilité », auquel ils s’efforcent en vain d’associer les
syndicats, dans une sorte d’union sacrée. On a tellement dit qu’il fallait
« éviter les amalgames » que je me contenterai de dire ici qu’il faut
éviter les raccourcis.
On
voit donc accolées trois « unions » : celle de la nation autour
des "valeurs de la République" (la paix, la laïcité, la démocratie…la liberté
d’expression), celle des chefs d’État "pour la liberté d’expression et contre
le terrorisme", et enfin l’union des forces politiques et des partenaires
sociaux requise pour faire accepter le pacte de responsabilité et pour faire
passer la loi Macron et les contre-réformes.
Je
dirai d’emblée que c’est la première qui m’intéresse au premier rang, celle
dont il importe de bien saisir le sens, quoiqu’il en soit par ailleurs de
toutes les manipulations et récupérations dont elle a été l’objet, et dont elle
ne pouvait pas manquer d’être l’objet. Mais à s’attacher trop exclusivement à
ces manipulations-récupérations, Informations
Ouvrières s’exposait à passer à côté de ce qui avait été manipulé et
récupéré, et à manquer le sens de l’événement.
Marc
Gauquelin donne le ton dès le début de la série d’articles consacrés à l’après
manifestation du 11 janvier :
« Cette journée du 11 janvier 2015 a été
saluée par toute la presse française et internationale comme une journée
historique. Elle a été en effet celle d’une manipulation qu’on peut vraiment
qualifier d’historique ».
Ce qui doit être souligné, pour Marc
Gauquelin, ce n’est pas tant ce qu’a été cette manifestation : « l’émotion authentique de millions de
travailleurs, de jeunes, de citoyens, manifestant leur rejet de la barbarie », que le détournement dont elle a
été l’objet par « la mise en branle
de l’énorme machine de l’État, mobilisant tous ses relais » et la
finalité de ce détournement : la réalisation d’une union de soutien à
Hollande et à sa politique.
Tout
de même ! Je veux bien que François
Hollande ait tout de suite vu le profit personnel qu’il pouvait tirer de la
situation, et qu’il n’ait pas hésité à tout mettre en œuvre pour tirer le plus
grand bénéfice d’une union nationale, oserai-je dire eu égard aux
circonstances, « providentielle ».
Mais glisser ainsi de l’union spontanée de millions de citoyens à une union
de soutien à la politique de Hollande et à ses réformes, c’est trop. De la
« légitime émotion provoquée par les attentats » à la « loi Macron
et aux contre-réformes », le chemin est trop court !
Bien
sûr, il faut dénoncer l’hypocrisie de ces chefs d’État venus défiler à
Paris au nom d’une liberté d’expression qu’ils bafouent dans leur propre pays,
ou pour dénoncer une terrorisme qu’ils financent, dont ils sont les pourvoyeurs
ou les complices. Bien sûr, il faut dénoncer l’hypocrisie de cette « union
sacrée » permettant de faire passer par pertes et profits les inégalités
sociales, les exclusions, les lâchetés et abandons devant les puissances
financières. Bien sûr, il faut dénoncer l’hypocrisie de cette coalition qui,
sous le commandement d’Obama, sème la guerre en Irak et en Syrie… C’est la
position du POI, et Informations
Ouvrières le dit très clairement dans son encadré de la page 3 ainsi que
sous la plume de Willem « Ces
individus représentent tout ce contre quoi nous sommes », et de Jean
Ortiz « Je ne veux pas partager mon
deuil et ma douleur avec eux ».
Mais
ce n’est pas tout. Car il ne faut pas oublier que si c’est « au nom des valeurs de la
République, de la démocratie et de la laïcité » que « l’énorme machine de l’État a mobilisé tous
ses relais (…) pour canaliser l’émotion provoquée par les attentats dans
la voie de l’union nationale jusque-là
refusée au président Hollande », c’est au nom de ces mêmes "valeurs" que des millions de Français se sont
levés, sans distinction d’origine, de race, de religion... Aucune machine
étatique, aucune institution, aucune organisation n’aurait pu impulser une
telle mobilisation, et appeler à une telle manifestation la « plus grande manifestation jamais recensée en
France », selon Le Monde.
On a
dit que l’ampleur de la mobilisation était à la mesure du choc émotionnel :
horreur et angoisse, indignation et colère. Certes, et c’est ce que les médias
ont exploité à l’envi, jusqu’à faire passer au second plan ce qui les avait suscitées. C’est aussi à quoi
a contribué le slogan « Je suis
Charlie » qui, amalgamant dans un déferlement compassionnel des indignations
diverses et variées, a pu être dissuasif, même pour les plus attachés à Charlie Hebdo et aux journalistes
assassinés.
C’est
au delà de l’émotion qu’il faut chercher ce qui a fait de cette mobilisation
quelque chose d’unique, dans les idées et les principes qu’elle a fait remonter.
Et en premier lieu la liberté
d’expression : rien de plus normal, dira-t-on, puisque c’est un
journal qui était attaqué, et que la liberté de la presse est le premier
vecteur de la liberté d’expression. Certes, mais ce n’était pas n’importe quel
journal, et que ce soit ce journal-là
indique clairement quelle liberté d’expression était en cause : non pas celle
des quelques dictateurs invités pour qui la presse est libre tant qu’elle se
borne à relayer les vérités officielles, ni même une liberté à l’anglo-saxonne bridée
par le « politiquement correct » lorsqu’il s’agit des religions et
qui, au nom de ce « religieusement correct » se livre à une autocensure systématique. Le Times donne le ton en déclarant ne pas
publier « d'images ou d'autres
matériaux offensant délibérément les sensibilités religieuses ». Mais
il y a encore d’autres motifs derrière ce sacro saint respect des
religions : les jugements portés sur Charlie Hebdo dans la presse anglo-saxonne
expriment plus que des réserves, par exemple pour le Washington Post qui le désigne comme « Irrévérencieux,
vulgaire et en porte-à-faux avec toutes les religions », ou pour le Wall Street
Journal qui le qualifie « d’athée et de gauche », ce qui
vaut pour une condamnation, explicitée par la chaîne américaine NBC qui
le désigne comme « Un magazine antireligieux, de gauche qui n'avait aucun
scrupule à heurter qui que ce soit ». Le quotidien canadien The Globe
and Mail n’est pas en reste, qui le décrit comme un hebdomadaire qui « se
faisait un malin plaisir à embrocher les figures religieuses, les hommes
politiques et les célébrités », et il ne faut pas oublier qu’outre
Atlantique, malin signifie encore « inspiré par le Diable ». Bref, les médias anglo-saxons ne
pensent pas beaucoup de bien de Charlie Hebdo, journal « impitoyable,
sardonique, et souvent obscène », résume le journal Vice, dans
un historique qu’il lui consacre (source des citations et références).
Cachez
ce dessin que je ne saurais voir ! Des images floutées pour une liberté d’expression édulcorée.
La
liberté d’expression s’affadit en traversant la Manche ou l’Atlantique :
elle se voile ou se floute, de manière sélective comme on le voit dans cette
couverture de Charlie Hebdo
représentant un musulman dans un fauteuil roulant poussé par un juif orthodoxe.
On voit qu’en reproduisant cette une, le journal américain a pixellisé le
musulman, et seulement lui : courageux, mais pas téméraire !
Les médias anglo-saxons ne manquent pas l’occasion, à propos de Charlie Hebdo, dont ils s’affirment pourtant solidaires, de s’adonner au « french bashing » (pratique consistant dans un dénigrement brutal, méprisant et systématique de la France, et des Français, ces « singes capitulards bouffeurs de fromage » comme on le dit couramment dans les cercles de pouvoir à Washington depuis le refus de la France de s’associer à l’invasion de l’Irak.
Pour
ces médias, Charlie Hebdo fait aussi partie intégrante d'une culture
bien française, ce qui ne peut être vraiment porté à son crédit :
"Publier des papiers de gauche, à scandales, est une fière tradition
française depuis que Marie-Antoinette a été guillotinée", ironise le
quotidien britannique The Independant qui évoque une équipe
"d'écrivains et illustrateurs libertaires de gauche, dont les dessins
grossiers sont devenus la signature du journal". Dans cet esprit, l’image de Charlie
Hebdo n’est pas tant associée à la « liberté d’expression »
qu’à la « liberté de provoquer ».
En contrepartie de cette ironie réprobatrice,
deux commentaires du plus haut intérêt : pour le président du
Centre de civilisation et de culture française de New York, il y a là « un patrimoine qui remonte loin dans le passé jusqu'aux Lumières » ; le site anglophone VOX met l’accent sur le concept de laïcité qui constitue « une
part très importante de la culture française (…) l'un des mythes fondateurs de
la République française qui va bien au-delà de la séparation de l'Eglise et de
l'Etat que nous avons aux Etats-Unis. »
Je dis que ce
parrainage des Lumières est bien celui qui a été revendiqué par les
manifestants du 11 janvier, jusqu'à se réclamer de Voltaire. La laïcité a
également été brandie, dans son rapport à la liberté d’expression, comme rempart
contre le fanatisme et le terrorisme. Rien de tel dans les réactions
américaines au 11 septembre 2001 et dans l’expression du patriotisme américain,
ce qui écarte d’emblée l’idée d’un « Patriot Act » à la française, réclamé
par les uns, craint par les autres.
Non, contrairement à ce qu’affirme la une du Monde du 9 janvier 2015,
le 7 janvier français n’est pas le 11 septembre américain.
Voilà
le sens de la mobilisation du 7 janvier en France, voilà la leçon des manifestations rassemblées derrière
la bannière « Je suis Charlie », et c’est cela que certaines traditions n’étaient pas en mesure de comprendre : ni bien sûr la tradition
islamique, tellement étrangère et tellement hostile à l’idée de laïcité, mais même
la tradition anglo-saxonne pour qui la notion de laïcité a un tout autre sens
qu’en France.
Les Lumières, qui font de la raison le
principe du savoir, et qui destituent la croyance de cette position, voilà ce
que les enragés de l’islam radical exècrent, voilà ce qu’ils veulent détruire,
parce qu’elle est aux antipodes de leur vision du monde.
Il
en va de même pour la laïcité, qui est la fille naturelle des
Lumières : elle affranchit le politique du religieux comme les lumières
affranchissent le savoir de la croyance, en instaurant un espace public
areligieux. Ce n’est pas seulement qu’elle pose un principe de séparation entre
les Églises et l’État, c’est qu’elle met les religions hors du champ du
politique. La neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses, c’est
d’abord de l’indifférence à leur endroit. Dans une république laïque, la
croyance religieuse n’est pas comprise dans la chose publique, elle est
renvoyée au domaine privé. Cette mise hors jeu du religieux est insupportable
aux religions pour qui la société doit être gouvernée par le droit religieux et pour qui la vie tout entière doit être imprégnée de religiosité.
La photo ci-dessous est une photo montage
(Cherchez l'erreur)
La mise à l’écart de la
religion, qui caractérise la laïcité à la Française n’est pas mieux comprise
aux États-Unis, alors qu’officiellement la religion y est séparée de l’État par
la constitution de 1787. Cela n’empêche pas la République américaine d’être
profondément religieuse et imprégnée des valeurs chrétiennes. Certes, il n’y a
pas de religion officielle, mais Dieu est constamment invoqué dans les discours
des politiques, y compris dans les assemblées, et les références à Dieu sont
permanentes, du « In God We Trust » emblème usuel du pays qui figure sur les billets de banque, à l’obligation de prêter serment sur un texte sacré dans les tribunaux
et sur la bible pour les nouveaux élus. Plutôt qu’areligieuse, la « laïcité
américaine » peut être dite pluri-religieuse ou œcuménique. Dans un pays où le
lien social est essentiellement fondé sur la religion et où chaque personne est
censée se rattacher à une religion, ce sont les agnostiques et les athées qui
tendent à être exclus de ce lien.
Il en va tout autrement en France et c’est
en un tout autre sens que le concept de laïcité est central dans la culture
française. Depuis qu’elle s’est construite de haute lutte en s’affranchissant
de l’empire de la religion, la République française est restée très jalouse de
son intégrité. Elle n’a nul besoin d’onction divine et tient à l’abri de toute
intrusion les espaces réservés de la laïcité : pour preuve la neutralité
des bâtiments publics qui induit qu’aucune figure ou emblème à caractère
religieux ne puisse y être représenté (on sait quels débats a provoqué
l’installation de crèches de Noël au Conseil général de la Vendée et à Melun). Cette nécessité de bien faire la part du
culturel et du cultuel est caractéristique du concept de laïcité tel qu’il
s’est développé en France. Pour la même raison, le prosélytisme religieux et le
port de signes ostentatoires d’appartenance religieuse dans l’espace public,
sans être interdits (sauf dans l’espace réservé de l’École, bien entendu), sont
assez mal perçus. Il ne s’agit pas nécessairement d’intolérance
« laïcarde » ou d’islamophobie, mais bien souvent d’un renvoi du religieux au
domaine privé qui montre à quel point la France s'est sécularisée . Il y a bien longtemps qu'elle n'est plus "la fille ainée de l'Église".
Les
implications de la laïcité comprise comme « a religiosité » sont tout à fait essentielles dans cette partie de l’Éducation qui revient à l’État, à savoir, stricto sensu, l’instruction publique. C’est parce qu’il se borne à instruire que
le maître peut se conformer à cette consigne de Jules Ferry, dans laquelle on
voit souvent le fondement de la laïcité : « ne rien dire ou rien
faire dans une classe qui risque de choquer un père de famille de bonne
foi ». Ce n’est pas parce qu’il
pratique une quelconque autocensure, ni qu'il cesse d'être un militant laïque, c’est parce qu’il met son enseignement
sous la direction exclusive de la raison, et qu’il se borne à transmettre des
savoirs : du côté des croyances, il n’y a stricto sensu rien à voir !
C’est ce qu’il ne faudrait pas perdre de vue quand on parle de « mettre la laïcité et la transmission des
valeurs républicaines au cœur de la mobilisation de l’École » et pour cela
« rétablir les rites républicains (sic) » ou « créer un nouveau
parcours éducatif de l'école élémentaire à la terminale : le parcours citoyen ».
(…)
·
La religion est enseignée obligatoirement à
l'école primaire et au collège
· Les ministres des quatre cultes reconnus (prêtres, pasteurs, rabbins…) sont salariés par l'État
· Un enseignement théologique (catholique et protestant), et de pédagogie religieuse, est dispensé dans les universités françaises de Strasbourg et de Metz.
· Des universités françaises participent à la formation des prêtres et des pasteurs, ainsi que des catéchistes et professeurs de religion de l'enseignement primaire et secondaire.
· La faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg délivre des diplômes d'État de théologie, sous l’autorité du Saint-Siège, qui les reconnaît comme canoniques.
· Le délit de blasphème, alors qu’il a été aboli par la révolution française, reste en vigueur au travers de l’article 266 du code local d’Alsace-Moselle.
Autant
d’exceptions à la laïcité issues du concordat de 1801, signé entre Napoléon
Bonaparte et Pie VII, et qui n'a été abrogé ni par l'annexion allemande de 1870
ni par le retour des trois départements au sein de la République française en
1919. Sa validité a été confirmée le 21 février 2013 par le Conseil
constitutionnel qui le considère comme une tradition républicaine observée par
tous les gouvernements depuis 1919.
Or, il est désolant de
constater qu'en même temps que, faute de mieux, et en désespoir de cause, on
investit l'école de la mission aussi lourde qu'hasardeuse de sauver le
« vivre ensemble », on continue de la remettre en cause dans ce
qu’elle a d’essentiel, à savoir sa dimension laïque. Que dire de ceux qui, de
surcroît, prétendent sauver la laïcité en l’assouplissant, en l’ouvrant, en
l’adaptant, bref en la réformant, jusqu’à en appeler à une « spiritualité
laïque ».
Certes,
le titre du livre d’Abd al Malik, Qu’Allah
bénisse la France, (également auteur de l’opuscule Place de la République, Pour
une spiritualité laïque), est infiniment plus sympathique que les vociférations
des fous d’Allah qui crient leur détestation de la France. Il faut néanmoins
répéter, au risque de choquer en refusant une main tendue, que la République
française n’a nul besoin de la protection du « Très-Haut », pas plus
de celle d’Allah que de celle de Jéhovah, et que c’est cela qui la distingue,
non seulement des théocraties en tout genre, mais également du Royaume Uni,
avec son « God save the Queen, ou encore de l’Amérique, avec son
« God bless America ». Et quand on sait que
« spiritualité », dans l’usage qui en est fait aujourd’hui, n’est
jamais qu’un euphémisme pour religiosité, on comprendra que l’expression
« spiritualité laïque » a tout d’un oxymore. Elle n’en exprime pas
moins une certaine idée de la République, et une certaine idée de l’école.
Que Télérama ait consacré la une de son
numéro 3397 (du 21 au 27 février 2015) à Abd al Malik « République ô ma république »,
montre bien quel tour prend le débat après les attentats de janvier. Il s’agit
d’abord de montrer que la haine de la République française et le rejet de la
laïcité ne sont pas le fait de tous les musulmans, mais d’une infime minorité
d’entre eux. Il s’agit ensuite d’expliquer que ces dérives extrémistes sont
imputables à une méconnaissance de l’islam « par les musulmans eux-mêmes et par les autres », et que le
remède consiste d’abord à dissiper cette ignorance. Abd al Malik s’adresse pour
cela à l’école : « toutes les
religions devraient être enseignées à l’école publique, intégrées à la culture
commune française. Pourquoi ne pas étudier des textes de grandes figures de
l’islam, comme l’émir Abd el-Kader l’Algérien, ou le poète Ibn Arabi ?
Revaloriser l’islam, en tant que spiritualité, est le meilleur moyen de lutter
contre l’intégrisme ». Le rappeur (en même temps qu’écrivain et
réalisateur) est manifestement animé des meilleures intentions : élevé
dans la religion catholique et converti à l’islam, il se fait le chantre d’une
vision œcuménique qui embrasse toutes les religions…et la laïcité. Sauvé grâce
à l’école, il déplore, à juste titre, avoir dû aller dans le privé : « La République doit trouver les moyens
de donner à tous les mêmes chances : des classes non surpeuplées, des lieux
pour travailler, des enseignants mieux soutenus. L’école, c’est crucial ».
Abd al Malik, sur ce point, a parfaitement raison, mais il se trompe sur un
autre point essentiel : la laïcité n’est pas une religion, et il ne
revient pas à l’école de « revaloriser
l’islam en tant que spiritualité ». Il ne lui appartient pas davantage
d’« enseigner les textes des grandes
figures de l’islam », pas plus que des théologiens chrétiens, et si
l’on étudie encore (mais si peu) des textes d’Augustin, de Bossuet et de
Pascal, c’est en tant que textes littéraires ou philosophiques, et non pas
théologiques. Il ne saurait y avoir d’enseignement religieux dans l’école
publique, fût-il désigné plus ou moins hypocritement comme « enseignement
du fait religieux ». La religion ne peut être abordée à l’école que d’un
point de vue historique et philosophique, c’est-à-dire de l’extérieur et avec
une distance critique, et non pas de l’intérieur, comme
« spiritualité ».
En
contrepartie il n’appartient pas à l’État d’intervenir dans les affaires
religieuses : de décider des courants accrédités par l’islam (salafisme,
wahhabisme…), de dire si le voile est une prescription coranique, si le djihad
est une guerre de conquête ou une guerre intérieure, ou de statuer sur la place
de Jésus dans l’ordre prophétique. Ce sont des questions à régler entre
musulmans, et qui ne regardent ni l’État, ni l’école publique !
A fortiori l'Etat
ne doit pas se mêler de la formation des imams, comme l’avait préconisé Nicolas
Sarkozy, à présent rejoint par Manuel Valls.
« Ce n'est en aucun cas le rôle de
l'université de former des cadres religieux » explique Pascal
Maillard, membre du conseil d'administration de l'université de Strasbourg, et
représentant du Snesup-FSU, dans un entretien accordé à Aurélie Locquet sur France Bleu Alsace le 3 mars
2015 : c’est d’abord le statut dérogatoire de l’Université de Strasbourg
qui, pour Pascal Maillard, pose un problème à la République et à la loi de
1905, statut que l’un des objectifs du déplacement de Manuel Valls à Strasbourg
pourrait être d’imposer au niveau national, au mépris de la loi de séparation
des Églises et de l’État. Et Pascal Maillard de rappeler, fort opportunément,
la nécessité de respecter à la lettre la loi de 1905 : « la laïcité ne se conjugue pas avec des
adjectifs, la laïcité à l’alsacienne, à la française, la laïcité ouverte,
tolérante, etc. Je ne connais qu’une laïcité, c’est celle qui est définie par
le texte de la loi de 1905 (la République assure la liberté de
conscience ; la République ne connaît, ne salarie ni ne subventionne aucun
culte), ce qui signifie que l’État doit respecter la neutralité de tous les
services publics en matière religieuse » : écouter
cette émission.
Il y a un risque
de récupération, et un détournement de ce fameux « esprit de
janvier » que l’on met à toutes les sauces, plus graves que la
récupération pointée par Gauquelin, et qui consiste, au nom des meilleures
intentions du monde (éviter les « amalgames » et lutter contre
l’intégrisme), à déconnecter la République de la laïcité, telle qu’on vient
d’en rappeler la définition.
C’est très
sensible dans l’hommage paradoxal rendu par Abd al Malik à la République, République, ô ma république. Il se
montre choqué que certains rappellent les racines chrétiennes de la France
parce que, dit-il « La laïcité
signifie que dans la société nous sommes définis par notre citoyenneté, et en
aucun cas par notre religion », ce en quoi il a parfaitement raison,
mais il énonce ensuite que « l’islam
est la deuxième religion de France » et qu’« On ne peut pas faire
comme si elle n’existait pas ». Et il impute à une laïcité selon lui
mal comprise l’acharnement haineux dont sont aujourd’hui victimes les musulmans
dans la société française : « La
laïcité est un concept positif, qui devrait nous permettre de vivre ensemble,
mais qui est brandi par certains pour exprimer de la haine » Et ce
n’est donc pas seulement en tant que citoyen, mais aussi en tant que musulman,
qu’il en appelle à une laïcité ouverte et tolérante. Et où l’on voit que toutes
ces choses sont liées, c’est lorsqu’il accuse Charlie Hebdo d’avoir « contribué à la progression de l’islamophobie,
du racisme et de la défiance envers tous les musulmans », relativisant par
là même le principe de la « liberté d’expression » : « La liberté d’expression est un principe,
mais j’estime qu’elle n’est pas non négociable »
Il y a dans cette position bien des
confusions, et bien des malentendus :
Quelle
considération particulière la République devrait-elle à l’islam, en tant qu’il
est la deuxième religion de France ?
Il nous faut entrer ici dans la question des
relations qu’un état laïque, fondé sur la séparation des églises et de
l’État, peut établir avec les institutions
religieuses.
· Alors même qu’aux termes de la loi de 1905,
« la République ne reconnaît aucun culte », l’islam n’en a pas moins
obtenu une reconnaissance politique par la constitution d’une instance
représentative du même type que celles dont disposaient déjà les catholiques, les
protestants et les juifs de France :
« Le Conseil Français du Culte Musulman qui
voit le jour en avril 2003 est le résultat d'une volonté de reconnaissance
politique de l'islam français, stratégie engagée par les gouvernements
successifs depuis la fin des années 1980. Ce processus de reconnaissance
politique est double : reconnaissance de la présence de l'islam par la
République et acceptation de la part des représentants du culte des lois de la
République, en particulier du principe de la laïcité.»
Malika Zeghal, La constitution du Conseil Français du Culte Musulman :
reconnaissance politique d'un
Islam français ?
Archives de sciences sociales des religions 129 (janvier - mars 2005)
Archives de sciences sociales des religions 129 (janvier - mars 2005)
La République ne reconnaît aucun culte
Malika Zeghal reconnaît que « Cette
reconnaissance réciproque donne lieu à des débats importants sur la place de
l'islam dans la société française et sur sa visibilité dans l'espace public »
et que « Le décalage entre la mise
en place d'une reconnaissance politique ponctuelle et l'absence de
reconnaissance juridique due au principe de laïcité, peut être la source de
tensions futures » mais enfin,
à quelle autre reconnaissance l’islam pourrait-il prétendre, qui ne porte pas atteinte
au principe de laïcité ?
On pourra se référer aux Archives
de sciences sociales des religions 129 sur la
question de ce mode de « reconnaissance
» de l'islam en France, et sur les différentes acceptions de ce terme, considérant
en particulier que la question ne peut porter que sur « le culte au sens strict, et non la culture
musulmane, encore moins la
représentation de la communauté musulmane française, pour l'ensemble de ses
sujets de préoccupation, qui ne peut se faire que dans le cadre des
Institutions de la République ouvertes à tous et donc aux musulmans de France »
·
La loi de 1905 définit pour l’État en ensemble
de droits et de devoirs vis à vis des cultes. Le premier devoir de l’État consiste à garantir la
liberté de conscience et la liberté de culte, qui vaut pour l’islam comme pour les
autres religions. Cette liberté de culte signifie pour chaque citoyen le droit
de choisir une religion ou de n’en choisir aucune, ainsi que le droit d’en
changer. Cette loi interdit par là même à une religion d’instaurer, sur le
territoire de la République, quelque délit de mécréance ou d’apostasie. La
liberté de conscience est première par rapport à la liberté de culte.
· La liberté
de culte, pour être effective, suppose la liberté, pour les différents
cultes, de disposer de locaux permettant les célébrations religieuses (églises,
temples, synagogues, et mosquées…). Le régime juridique français des biens
cultuels et des édifices du culte, tant en ce qui concerne leur affectation
légale, que leur réparation et leur entretien, leur mise à disposition et leur
fiscalité, est un produit de l’Histoire et se trouve aujourd’hui défini par la circulaire
du 29 juillet 2011.
Mais dès lors que les pratiques religieuses donnent lieu
à des rassemblements collectifs dans des espaces publics, l’État veille à ce
qu’elles ne remettent pas en cause l’ordre républicain et ne causent pas de
troubles à l’ordre public. La liberté de culte garantie par la loi de 1905
n’exclut donc pas l’existence d’une police
des cultes, dès lors qu’il revient à l’État d’assurer et de contrôler leur
administration.
Les relations
entre l’État et les cultes sont donc étroitement commandées par le principe de
laïcité tel qu’il a été établi par la loi de 1905 et dont on pourra mieux
saisir la portée quand on l’aura mis en regard du régime concordataire d’Alsace-Moselle
qui lui fait exception et par lequel :
· Les ministres des quatre cultes reconnus (prêtres, pasteurs, rabbins…) sont salariés par l'État
· Un enseignement théologique (catholique et protestant), et de pédagogie religieuse, est dispensé dans les universités françaises de Strasbourg et de Metz.
· Des universités françaises participent à la formation des prêtres et des pasteurs, ainsi que des catéchistes et professeurs de religion de l'enseignement primaire et secondaire.
· La faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg délivre des diplômes d'État de théologie, sous l’autorité du Saint-Siège, qui les reconnaît comme canoniques.
· Le délit de blasphème, alors qu’il a été aboli par la révolution française, reste en vigueur au travers de l’article 266 du code local d’Alsace-Moselle.
Cet
argument de la « tradition républicaine », spécieux en lui-même
(comment la République pourrait-elle s’accommoder, au nom de la tradition, de
dispositions en flagrante contradiction avec son fondement laïque ?) a
assuré pendant des lustres le maintien d’un régime dérogatoire qui reste
pour la République un « danger de l’intérieur » :
· Par exemple, la mosquée Eyup Sultan de
Strasbourg, appartenant à la communauté Millî Görüş (mouvement islamique turc) a
pu bénéficier de fonds publics pour sa construction, ce qui aurait été
impossible dans le reste de la France.
·
On a pu envisager d'intégrer l'islam dans le
concordat : le député de Moselle François Grosdidier (aujourd’hui
sénateur) a proposé un texte dans ce sens à l'Assemblée nationale en 2006. Et
comme les religions ne répugnent jamais à se réconcilier sur le dos de la
laïcité, les responsables juifs, catholiques et protestants n’ont émis aucune
objection au sujet cette intégration, qui les aiderait à consolider leur statut
privilégié par rapport au reste de la métropole.
Il est d’autant plus inquiétant
que Manuel Valls, accompagné pour la circonstance du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, responsable des cultes, et de la ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, ait choisi une terre concordataire pour traiter de « l’intégration de l’islam » et de la « formation civile des imams ». On est en droit de se demander quelles
concessions, ou quels reniements pourraient être demandés à la République, ou
exigés d’elle, pour un « islam totalement intégré, totalement
compatible avec les valeurs de la République » ? Ne faudrait-il pas retourner la question et
dire plutôt « une république totalement compatible avec les
valeurs de l’islam ?
Voilà une
nouvelle raison, et non des moindres, pour en finir avec le statut concordataire de
l’Alsace-Moselle :
· Une faculté de théologie catholique et une faculté de théologie protestante à l’université de Strasbourg, qui au sein de sa faculté des sciences
politiques et de gestion comporte un
master « recherche sciences et droit des religions, spécialité islamologie,
· Un département de théologie et de pédagogie
religieuse à l'université de Lorraine, sur le site de Metz ;
·
L’obligation pour
les élèves du primaire de recevoir, sauf dispense, un enseignement
« culturel et religieux » ou, à défaut, des cours de
« morale ». Il est douteux qu’il s’agisse de « morale
civique ».
On
peut se demander dans quelle mesure l’introduction d’un « enseignement moral
et laïque, de l'école élémentaire au
lycée », associée à un « enseignement laïque du fait religieux » annoncée par
François Hollande, n’est pas une manière particulièrement sournoise d’étendre
le régime concordataire à tous les départements. Il faut rappeler que l’heure
hebdomadaire obligatoire d’enseignement religieux assurée dans les
établissements d’Alsace-Moselle est souvent nommée « faits religieux », euphémisme bien commode pour ne pas choquer
et donner le change et que c’est cette même expression qui est utilisée pour
introduire subrepticement l’enseignement des religions dans l’école publique.
Cette volonté de coupler constamment le
« laïque » et le « religieux » est des plus
suspecte : quand on sait que « chaque école et chaque établissement
aura l’obligation de mettre en place un « parcours citoyen » et que
300 heures devront être consacrées à l’enseignement moral et civique, du CP à
la terminale, et que « dans les programmes scolaires, la question de la
croyance devra être abordée frontalement », on peut penser que « le gouvernement s’apprête à mettre en place
un concordat pour chaque établissement », d’autant que par la création d’une
« réserve citoyenne » pour « développer
la citoyenneté », le ministère entend s’appuyer sur tous les
partenaires de l’école et l’ouvrir un peu plus aux associations. « Les
inscriptions à la
réserve citoyenne d’appui aux écoles et aux établissements sont
ouvertes à tous les volontaires. Tel prêtre, rabbin ou imam pourra intervenir
dans l’école pour faire
reconnaître le pluralisme des religions ». Informations Ouvrières, n°342, p. 6.
Pourra-t-on
alors assister à ce type d’intervention, non plus dans une mosquée, mais dans
l’école publique ? (Voir la vidéo)
Nous
n’en sommes pas là, mais on peut être sûr que les associations en tout genre
n’hésiteront pas un instant à s’engouffrer dans la brèche. L’école,
aujourd’hui, est bonne fille : elle est sommée de s’ouvrir à tous les
vents et la dernière réforme dite « des
rythmes scolaires » remet gravement en cause le service
public d’éducation : par le biais des activités périscolaires, de
multiples associations au statut mal défini se sont introduites dans l’école,
et de multiples intervenants sans statut ont été recrutés en toute hâte sans
garantie de compétences, de diplômes et de neutralité.
Et
voici à présent que l’on confie à des associations, ou qu’elles s’arrogent le
droit (cela revient au même), de former les enseignants à la laïcité. Il ne
suffit pas que des enseignants et des « personnels d’éducation aguerris soient formés sur les
questions de laïcité et déployés dans les établissements, d’ici
juillet 2015 » pour former leurs collègues « souvent impuissants dans ce domaine
(sic !), à aborder avec les élèves
les questions relatives à la citoyenneté, à la laïcité et à la lutte
contre les préjugés », il faut encore que tout le monde s’en
mêle : bénévoles d’associations, délégués départementaux de l’Education
nationale, parents d’élèves, et l’on peut penser que la liste n’est pas
exhaustive, sont invités à se rassembler dans une « réserve citoyenne d’appui
aux écoles » : il faut bien un tel langage aux accents vaguement
militaires pour que les enseignants comprennent enfin qu’ils sont enrôlés dans
une guerre contre le terrorisme pour laquelle, de plus, ils n’ont aucune
compétence !
Voilà
où nous en serions : ces
« hussards noirs de la République », ces ardents militants de la
laïcité, ceux qui ont fait naître l’école publique et qui l’on fait tenir
debout pendant des lustres, appartiendraient à un lointain passé et leurs
indignes descendants, qui ont tout oublié, devraient « retourner à
l’école » (mais laquelle ?) pour retrouver les « valeurs de la
République » et les remobiliser.
Et
ce sont à présent des associations
d’éducation populaire (les Ceméa, les Francas et la Ligue de
l’enseignement) qui, oubliant sans doute qu’elles sont des émanations de
l’école publique sans laquelle elles ne seraient rien, se proposent aujourd’hui
d’« aider l’ensemble des éducateurs à mettre en œuvre, dans l’école
comme dans la cité, une laïcité qui apprenne à vivre ensemble, au sein de la
République, dans le respect réciproque des personnes quelles que soient les
convictions philosophiques, religieuses ou politiques de chacun, tout en
favorisant l’appropriation des valeurs collectives sur lesquelles se construit
un destin commun. », et qui créent un site à cet
effet. Témoignage de reconnaissance à l’égard de l’école publique et de ses
maîtres (passés, présents et à venir) ou pur opportunisme ? À chacun de
trancher, mais quoiqu’il en soit, quel langage, et quelle outrecuidance !
À les en croire, l’école serait tombée bien bas !
Y
aurait-il une laïcité particulière pour l’apprentissage du « vivre ensemble » ? Est-ce par
exemple en introduisant l’étude des religions à l’école, en l’espèce
l’enseignement de l’islam, que l’on améliorerait les relations entre les
communautés, à l’école et dans la cité ? Non assurément : l’école,
pas plus que la République, ne s’adressent à des « communautés », elles
n’en reconnaissent et n’en privilégient aucune ! Certes, on peut
comprendre que les « musulmans » se sentent agressés par « une forme d’acharnement médiatique »
qui les somme de répondre de tout ce qui se fait au nom de l’islam, mais ce
qu’ils ressentent comme de « l’islamophobie » ne peut être mis au
compte de la laïcité, puisque précisément la laïcité se refuse à définir les
personnes par leur religion.
· Je comprends fort bien l’exaspération d’un ami
de confession musulmane lorsqu'on lui demande de s’exprimer en porte parole de sa
religion au sujet des attentats, de devoir jouer en la circonstance, et comme
il le dit, le « musulman de
service ».
·
Je comprends qu’Abd al Malik ait pu se sentir
agressé par des critiques et des mises en cause répétées de la religion
musulmane, mais il fait fausse route lorsque c’est en tant que musulman qu’il s’indigne
et qu’il prend la parole, oubliant qu’il avait, au nom de la laïcité, demandé à
être « défini par sa citoyenneté, et non par sa religion » : « On m'a souvent demandé de quel pays
je viens, mais je suis né en France, j'écris en français, je rêve en français,
je suis français ! »
La
seule réponse à « l’islamophobie », terme dont l’usage est des plus
problématiques (voir ce mot dans le « glossaire
des mots piégés »), est donc celle de la laïcité, et non celle des communautarismes.
Le « respect » lui-même, si souvent exigé, si rarement accordé, doit
être mis à ce niveau : ce n’est pas « le chrétien », ou
« le juif », ou
«le musulman » qui doit, comme tel, être respecté, c’est
l’homme élevé à la dignité de citoyen et jouissant d’une entière liberté de
conscience et d’expression.
Il
serait juste alors de parler, non pas des juifs, ou des musulmans, ou des
catholiques de France…, mais des Français de confession juive, ou musulmane, ou
catholique, la confession renvoyant non pas à une nature ni même à une origine,
mais à un choix libre.
De
qui parle-t-on d’ailleurs quand on dit « les musulmans » ?
« Pourquoi, quand on dit « les musulmans », parle-t-on de la
totalité des Français originaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest ? »,
demande Ahmed Benchemsi dans un article intitulé « Le « musulman modéré », une version actualisée du « bon
nègre », Le Monde du 16 janvier 2015.
La
réponse laïque est celle qui libère en même temps qu’elle universalise, alors
que l’autre réponse, celle qui désigne une population par sa confession, réelle
ou supposée, particularise et confessionnalise :
« L’islam,
c’est d’une ridicule évidence, n’est inscrit dans le patrimoine génétique de
personne. C’est une idée à laquelle chacun est libre d’adhérer – ou pas – y
compris quand on s’appelle Mustapha ou Fatima. Les Français enfants d’immigrés
ont été aux mêmes écoles républicaines que les autres, y ont étudié Voltaire et
les Lumières autant que les autres. Sauf à considérer que leur origine ethnique
conditionne leur façon de penser (ce qui est la définition même du racisme), il
n’y a pas de raison qu’ils soient moins sensibles à ces idées-là que les
Français dits de souche », ibid.
Ces
analyses appellent, il est vrai, à quelques précautions de langage, mais il
importe de faire cet effort et de parler juste : qui oserait aujourd’hui
parler « du juif », ou « du musulman », comme s’il
s’agissait d’essences ? Cessons donc de parler des musulmans de France,
comme s’ils n’étaient français qu’au deuxième rang, et des « Français de
souche », comme s’ils concentraient en eux l’essence « du
Français » !
Si j’ai traité si
longuement de la laïcité, c’est bien parce qu’elle tient une place éminente
dans ces « valeurs de la république » au nom desquelles des millions
de citoyens se sont levés le 11 janvier, même si le mot ne figurait pas sur les
bannières brandies par les manifestants. Car c’est bien la laïcité qui marque
la spécificité de la république française, et son identité ; c’est bien elle qui était revendiquée.
Alors,
réaction identitaire ? Peut être y a-t-il de cela, mais une telle réaction
n’a rien d’illégitime, surtout si c’est pour affirmer une identité républicaine
autant que nationale, et qui pourrait s’énoncer :
Voilà quelle est notre république :
·
Défense à quiconque de porter atteinte à la
liberté de pensée et à la liberté de conscience ;
·
Défense à quiconque de porter atteinte à la
liberté d’expression et à la liberté de la presse ;
·
Défense à
quelque religion que ce soit, ou à quelque idéologie, de prescrire des lois à
la république, ou de poser des interdits : seule l’autorité souveraine
peut prescrire ou proscrire.
Bien
sûr, on a manifesté aussi ce jour-là contre le terrorisme et contre la barbarie,
mais l’émotion et l’indignation auraient elles été aussi grandes pour un
attentat « à l’aveugle » frappant une foule anonyme ? L’attentat
aurait-il eu le même sens, et le même retentissement, si les cibles n’avaient
pas été aussi clairement désignées, et si elles n’avaient pas été celle-là ?
L’émotion
aurait peut-être été aussi considérable, mais l’indignation n’aurait pas eu le
même objet, ni tout à fait le même sens, et elle ne se serait sans doute pas
traduite de la même manière. Le slogan « Je suis Charlie », par delà son
équivocité, son caractère trop commodément fédérateur pour les uns, voire
accrocheur sinon racoleur pour les autres, n’avait-t-il pas cette capacité de
renvoyer, parce que c’étaient-elles qui avaient été atteintes, aux valeurs essentielles
de la laïcité, telles que précédemment énoncées et gravées dans le cœur de la république
française, et que je répète ici : liberté de pensée et liberté de
conscience, liberté d’expression et liberté de la presse, indépendance à
l’égard de toute prescription ou de toute proscription ayant une autre source
que la souveraine autorité.
Aucun
mot d’ordre politique, aucune banderole, aucune revendication, seulement
« je suis Charlie ». Est-ce parce qu’il fallait privilégier ce qui
rassemble et exclure tout ce qui divise. Est-ce parce que cette manifestation se
situait dans la perspective de l’intérêt général et non pas de la lutte des
classes ? Est-ce cela qui gêne certains camarades : circulez, cela ne
nous regarde pas, retournons à nos combats. Il y a certainement de tout cela,
et je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à toutes ces interrogations ; je
risquerai néanmoins quelques éléments de réponses :
1.
Le slogan « Je suis Charlie » n’est
pas aussi unanimiste qu’il le semble, il a même suscité de violentes
réactions : « si les assassins
nous font horreur, Charlie n'était pas et n'est pas pour autant notre ami et «
nous ne sommes pas Charlie» », Bureau national de l'UJFP (Union Juive Française pour la Paix), le 9
janvier 2015. Je ne me contenterai pas, pour une question aussi
sensible, de quelques citations extraites de leur contexte, mais je renvoie aux
articles et aux sites dont elles sont tirées : art.1 at.2
En même temps qu’il pointe, dans le développement des courants
extrémistes qui commettent leurs crimes au nom de l’islam « les interventions impérialistes, le
démembrement des États » sur le plan international et « la situation sociale insupportable que vit
la population issue de l'immigration postcoloniale » sur le plan national,
le texte de l’UJFP met violemment en
cause Charlie Hebdo, lui reprochant
d’avoir, par ses caricatures et ses articles, « participé au développement de l'islamophobie en France (…) du mépris et
du racisme à l'encontre de tous les musulmans (…) » et pour finir, et
ce n’est pas rien, de les avoir désignés « comme boucs émissaires de la crise économique et sociale, qu'ils
subissent aussi et souvent en première ligne. » Bref, selon l’UJFP, Charlie Hebdo ne serait pas innocent, c’est le moins qu’on puisse
dire. Bien sûr, « avoir la moindre
complaisance ou compréhension pour des assassins de dessinateurs ou pour la
mise à mort de gens en raison de leurs idées est insensé », « mais Charlie Hebdo a mené une bataille
politique ». Décidément,
ce « mais » me gêne beaucoup, surtout si on le met en relation
avec ce que dit Pierre Stamboul dans un autre article sur le même sujet : « Par quel anachronisme la rédaction de
Charlie-Hebdo a-t-elle pu ne pas voir que représenter Mahomet avec une bombe
signifie « tous les musulmans
sont des terroristes » et les stigmatise tous ? ».
Eh bien non, cette caricature que Charlie Hebdo a d’ailleurs empruntée à un
journal danois ne peut être interprétée de manière aussi sommaire et le procès
intenté à ses journalistes est assez ignoble. De plus, dire que le Jyllands-Posten
est un journal d’extrême-droite n’autorise pas à
ranger dans ce courant politique la direction de Charlie Hebdo qui a repris ces
caricatures, n’en déplaise aux camarades de « La Commune », pour qui Philippe
Val est de ces « intellectuels qui « suent la haine du
"Mahométan " ». Je renvoie à cet article
qui me paraît particulièrement déplacé et dont je ne partage ni la forme, ni le
fond : à chacun de juger.
2.
Il faut décidément faire un sort à ce terme
d’islamophobie dont j’ai déjà pointé les ambiguïtés dans le « Petit glossaire ses mots piégés ».
Ainsi, à la question « Considérez-vous
qu'il règne, en France, un climat islamophobe ? », le
politologue Olivier Roy, spécialiste de
l'islam, répond sans l’ombre d’une hésitation : « Oui, sans aucun doute. Depuis une vingtaine
d'années, le simple fait d'être musulman est devenu suspect, voire dangereux »,
Le Monde, 28 février 2015. Et il précise : « Cette islamophobie mêle un vieux racisme anti-arabe et un phénomène
plus nouveau, une sorte de phobie de la religion ».
Eh bien trions, car parler de racisme à l’égard d’une
population et de phobie à l’égard de la religion (ou d’une religion), ce n’est
pas du tout la même chose.
Il est vrai que c’est d’abord pour des raisons d’ordre
religieux que les Juifs ont été persécutés : n’étaient-ils pas le « Peuple déicide » (meurtrier de Dieu), responsable de la
crucifixion de Jésus Christ ? Ce n’est que plus tard, par l’effet
des théories racistes (Cf. l’Essai sur
l'inégalité des races humaines de Gobineau paru en 1853) qu’ils le
seront pour des raisons raciales.
Par un mouvement inverse, le racisme anti-arabe s’est d’abord
exercé à l’égard des populations colonisées (les « bicots », les
« bougnoules » les « crouillats » et les
« ratons »). Si je reprends ces termes heureusement sortis des
mémoires (du moins, je l’espère), ce n’est ni par le plaisir enfantin de dire
des gros mots, ni par provocation, mais parce qu’ils étaient encore d’un usage
courant dans les années 50, voire dans les années 60, et qu’alors ils étaient à
peine perçus comme des injures par leurs utilisateurs (je ne parle pas de leurs
destinataires), ce qui montre tout de même que depuis, les choses ont un peu
changé et que les combats contre le racisme n’a pas été tout à fait vains.
C’est plus récemment que « la population issue de l'immigration postcoloniale » a été
prise à partie, non plus en raison de son origine, mais de sa religion, selon
l’équation : arabe égale musulman.
Est-ce à dire que la religion est devenue le nouveau prétexte pour stigmatiser
et discriminer une population qui ne peut plus l’être décemment (selon les
nouveaux usages) par l’origine ou l’appartenance ethnique ; autrement dit,
l’islamophobie serait-elle une " forme particulière de racisme
dirigée contre les musulmans " ? En ce cas les sentiments
racistes seraient transférés de l’origine sur la religion mais resteraient
inchangés : les auteurs d'actes et de discours racistes, « en
propageant une vision essentialiste et raciale de l'islam, s'attaquent à une
catégorie de population de plus en plus identifiée comme “musulmans” mais
toujours perçue comme “arabes”, “maghrébins” ou “immigrés” » Leïla Babès, professeure de sociologie des
religions à l'université catholique de Lille, Le Monde du 28 février 2015. En
ce cas, l’islamophobie ne serait que le rhabillage du vieux racisme
anti-arabe, anti-maghrébin, anti-immigré (on a aussi avancé le terme d’« arabophobie »), mais cela ne change
rien : on désigne toujours la même chose, et on ne voit guère ce que ces
néologismes peuvent apporter à la compréhension de ce que l’on dénonce, sinon à
semer la confusion.
Mais pourquoi ce déplacement de l’origine ethnique à la religion,
précisément pour cette population-là, et pour cette religion-là, sinon parce
que cette religion-là est devenue une cible facile en raison de son
instrumentalisation politique par les groupes extrémistes qui s’en réclament,
et surtout parce qu’il permet l’équation : musulman égale terroriste ? Cette nouvelle équation, qui
redouble la première (arabe égale
musulman) est d’autant plus redoutable quelle permet de mettre sur le dos
des « musulmans », donc des « Arabes », donc de manière
plus générale des « immigrés » les assassinats de Daech et de Boko
Haram, les attentats d'Al-Qaïda, les mouvements fondamentalistes étrangers et
la radicalisation des musulmans de l'Hexagone, ainsi que le départ de plus d'un
millier de jeunes Français pour le Djihad. Pas étonnant, après cela, qu’un Abd
al Malik puisse se sentir « comptable
de tout ce qui se passe dans le monde au nom de l'islam ». Mais ce
faisant, il tombe dans le piège de cette instrumentalisation politique de
l’islam, aussi bien de la part des groupes fondamentalistes que des mouvements
antiracistes qui laissent penser que les discriminations dont est victime
« la population issue de
l'immigration postcoloniale » est imputable à une « phobie de la
religion », et particulièrement de la religion musulmane dont serait
atteinte la société française, en raison notamment d’une idée déviante de la
laïcité. Curieusement, on retourne la laïcité contre elle-même en l’accusant,
par certaines de ses dispositions (l’interdiction du voile dans les
établissement scolaires, du port de la burqa dans la rue, le licenciement d’une
salariée de la crèche Baby- Loup pour port du foulard islamique) de « s’éloigner de l’esprit de la loi de 1905 »,
et de tomber dans l’islamophobie.
C’est une laïcité ultra qui proscrirait aujourd’hui le voile
et la burqa dans l’espace public alors qu’ Aristide
Briand et Jean Jaurès avaient refusé d'interdire le port de la soutane dans la
rue : « En 1905, lorsque
la France a adopté la loi de séparation des Églises et de l'État, la religion
n'a pas été chassée de l'espace public : les processions en l'honneur de
la Vierge ont été autorisées et les bonnes sœurs pouvaient se promener en tenue
religieuse dans la rue. Lorsque l'abbé Pierre a été élu député, personne ne
s'est d'ailleurs offusqué lorsqu'il est venu dans l'Hémicycle en soutane. »
Olivier Roy, Le Monde du 28 février 2015.
C’est vrai, mais comme le note Olivier Roy lui-même, la société française s’est
depuis 1905 considérablement sécularisée. On peut d’ailleurs penser que cette
sécularisation n’est pas sans rapport avec une laïcisation des mœurs et que si
« le religieux est devenu incongru »
c’est parce que les manifestations ostensibles de religiosité ont depuis
longtemps cessé d’envahir l’espace public.
Cela ne s’est pas fait d’un coup : jusqu’à la fin des
années 1950, le culte des saints était encore l’occasion de nombreuses processions
permettant à l’église catholique d’occuper le terrain. Certaines se sont
maintenues au delà, mais comme survivances, et encore à la faveur d’un
glissement du cultuel au culturel. C’est ainsi que les « Ostensions limousines » dont la
dernière édition date de 2009 ont été inscrites au patrimoine culturel
immatériel de l'humanité de l'Unesco. Même si l’église continue de leur montrer
de l’intérêt pour attester leur dimension religieuse, les Ostensions limousines
sont surtout des manifestations folkloriques, d'intérêt patrimonial, social et
touristique. C’est d’ailleurs à ce titre qu’elles ont pu prétendre à un
subventionnement par des collectivités locales.
Il n’a donc pas été nécessaire d’interdire les processions
religieuses et le port des tenues religieuses dans la rue pour qu’elles disparaissent
peu à peu de l’espace public, et ce n’est pas par un détournement de l’esprit
de la loi de 1905, mais par une évolution naturelle de l’esprit laïque que
l’ostentation du religieux est devenue déplacée. On voit peu de bonnes sœurs en
tenue religieuse dans la rue, et encore moins de curés en soutane.
En revanche, on y voit de plus en plus de femmes voilées et
même, malgré la loi du 11 octobre 2010 qui l’interdit, de plus en plus de
femmes portant la burqa. Et cela passe mal pour beaucoup de Français, non pas,
comme on voudrait le faire croire, parce qu’ils ont une aversion contre les
« musulmans », ni a fortiori parce
qu’ils « suent la haine du mahométan » ; c’est le plus souvent
parce qu’ils voient d’un mauvais œil ce retour du religieux et cette propension,
pour certains croyants, à brandir leur croyance comme un étendard. De voir dans
cette ostentation de l’appartenance religieuse une provocation ne relève pas de
l’« islamophobie », mais du souci qui est celui de la loi de 1905
d’en finir avec les querelles religieuses et avec la prétention des religions à
régir l’espace public et à y imposer leurs prérogatives. Il n’a pas été aussi
facile de se débarrasser de ces prétentions, il ne saurait être question de
retomber dans ce passé. Que « les musulmans aient une pratique de leur
religion plus forte et plus visible que les catholiques », ne les autorise
pas à s’excepter, au nom de leur
religion, de la loi commune et de brandir des revendications qui contreviennent
à la loi de 1905 (port du voile à l’école ou refus de certains cours au nom de
la religion, par exemple.) Non, décidément, il n’y a aucune raison que ce
siècle soit religieux, comme l’aurait annoncé Malraux ! Et c’est lorsqu’on
prétend que les exigences et les principes de la laïcité, relèvent de l’« islamophobie »,
et que toute critique de l’islam peut être désignée par ce mot, qu’il devient
dangereux :
« Il est donc
urgent de se méfier d’un usage trop large de ce mot d’« islamophobie », et de
bien veiller à ne pas laisser dériver son sens, de manière à ce qu’il reste
synonyme de « racisme ». S’il désigne un discours appelant, sous couvert de
critique envers l’islam, à la méfiance et au soupçon envers tout individu de
culture musulmane, alors il est justifié de l’employer. Mais s’il devait entretenir
la confusion, empêcher de lutter contre le fascisme islamiste, et, en général,
contre toutes les pensées totalitaires et les refus de la critique, alors nous
aurions mis en circulation un mot extrêmement dangereux. », Le Monde du 24 mars 2015, Laurent Zimmermann. On trouvera
ci-dessous l’article intégral de Laurent Zimmermann, particulièrement
éclairant. J’ajouterai que si l’on utilise le mot « islamophobie »
comme synonyme de « racisme » dirigé contre une certaine population,
il est innocent, mais inutile.
L’aura-t-on
assez invoqué, cet « esprit du 11 janvier », et en tout premier lieu
François Hollande, qui a voulu « entretenir la dynamique née après les
attentats qui ont endeuillé la France » et « prolonger "l'esprit de ce
mois janvier 2015" ».
Cette volonté de faire de la mobilisation du 11 janvier un soutien à sa
politique et de réaliser une union nationale, voire une « union sacrée »
pour faire passer la loi Macron et les contre-réformes s’est brisée sur la
sécession de députés socialistes prêts à voter contre un texte d’un
gouvernement socialiste. Non seulement François Hollande et Manuel Valls n’ont
pas réussi à réaliser l’union de la représentation nationale sur leur texte,
mais ils ne sont même pas parvenus à faire l’union dans leur propre camp. Le
recours au 49-3 pour imposer la loi Macron marquait l’échec sans appel de
l’essai de récupération dénoncé notamment par Marc Gauquelin et Pierre Stambul « L’Union
nationale ? Non merci ! ». La manipulation gouvernementale a fait long feu, et c’est
heureux ! Cela permettra peut-être d’y voir plus clair.
Car
ce cinglant désaveu de la politique gouvernementale ne signifie pas la mort de « l’esprit
du 11 janvier ». Certes, il est mort pour Hollande et son gouvernement, mais
c’est parce que jamais il n’a inspiré leur politique.
Par
sa réforme territoriale qui « démembre
la République en communautés de plus en plus autonomes* », par sa
soumission à l’Europe et l’« abandon
de souveraineté** » qu’elle induit, par son « viol répété du principe de la laïcité ***»,
François Hollande s’est mis « largement
en dehors du champ de la République**** » et c’est de manière
indécente qu’il « souhaite utiliser
la douleur du pays pour mieux l'anesthésier *****».
Il ne suffit pas d’invoquer la République
et la laïcité pour en être l’authentique défenseur.
· Que valent les déclarations : "Tout
commence par la laïcité" ou "La laïcité, c'est la liberté de conscience
et donc la liberté des religions"
et encore "La laïcité, c'est une garantie pour la
France.", quand dans le même temps on appelle le ministère de
l’Intérieur à poursuivre, avec les autorités religieuses, le travail sur la
formation des imams et des aumôniers ?
· Que vaut l’affirmation : « la laïcité est un principe non
négociable » quand dans le même temps on envoie le Premier ministre,
le ministre de l’Intérieur et la ministre de l’Éducation Nationale à Strasbourg
pour y entériner le régime concordataire, voire pour l’étendre en y intégrant
l’islam ?
Il ne suffit pas de rappeler le rôle
essentiel de l’école publique dans la transmission et la défense de la laïcité.
Que vaut en effet cette posture quand :
·
on discrédite ses maîtres en les envoyant se
recycler auprès de « formateurs en laïcité »,
· on les oblige à un dialogue avec les cultes et à
un enseignement du « fait religieux »,
·
toutes les réformes mises en oeuvre depuis des
lustres éloignent un peu plus l’école de celle de Jules Ferry ? C’est Claude
Allègre qui clamait déjà : « L’école
de Jules Ferry, c’est fini. » Tout un programme !
*** Ces
citations sont extraites d'une
conférence de presse donnée par Marine Le Pen critiquant le "recours
quasi-obsessionnel"de François Hollande à l'esprit du 11 janvier. C’est à
dessein que je n’ai pas d’emblée indiqué cette source, pour ne pas discréditer
par avance les conséquences que j’en tirais : ce qui est dit reste valable, même quand on sait qui le dit.
On me fera la grâce de ne pas me compter
parmi les disciples de Marine Le Pen, en usant de cet argument imbécile que « les
extrêmes se rejoignent ».
À propos de la Présidente du FN, il ne sera
pas bien difficile de montrer qu’à hypocrite, hypocrite et demi. Il faut en
effet un certain culot pour se réclamer de la République une et indivisible
quand on fait de Jeanne d’Arc, béatifiée par l’Eglise catholique en 1909,
l’incarnation de la France, dans le droit fil de l’Action française de Charles
Maurras qui associait Jeanne au royaume de France. On se rappellera encore que c’est 13 mai 1979, à l’occasion des élections
européennes, que le FN renoue avec cette vieille tradition, y mêlant royalistes,
catholiques intégristes et nationaux révolutionnaires : la belle
république !
De plus, lorsque Marine Le Pen dénonce le
« viol répété du principe de la laïcité », elle veut sans doute parler
de la viande halal qui serait servie dans les cantines scolaires, des prières
de rues, des mosquées proliférantes et des minarets envahissants, bref de tout
ce dont « Riposte laïque » et le « Bloc identitaire » ont
fait leur fond de commerce, leur « apéro-saucisson-pinard ».
Il n’est nullement question dans son propos
de la loi Debré et du détournement des fonds publics au profit de l’Église
catholique et de l’enseignement privé confessionnel, pas davantage du
régime dérogatoire d’Alsace-Moselle : on sait vers quel enseignement
incline le FN, et quelle école a ses faveurs.
Ce que je voulais faire apparaître en citant
Marine Le Pen, ce n’était nullement une convergence de mes thèses avec les
siennes, ni même un rapprochement, mais l’emploi qu’elle fait, sur cette
question de la laïcité et de la République, d’un procédé maintenant bien rodé
qui permet au FN de racoler des électeurs de tous bords et auquel faudrait accorder un minimum de réflexion, si l'on veut comprendre :
· cette
capacité d’un parti d’extrême droite à séduire les égarés d’une
certaine gauche républicaine en brandissant les principes de la république et
de la laïcité dont il n’a cure et qu’il a toujours combattus.
· cette capacité d’un parti poujadiste, qui s’est
d’abord converti à l’ultralibéralisme avant de lui tourner le dos, à attirer les
couches populaires en exhibant un programme social bidon.
·
cette
capacité de la fille à faire oublier les incartades de son diable de père (ce
qu’on appelle la « dédiabolisation ») et ainsi de jouer sur tous les
tableaux, à coaliser les racismes de tous bords (les antisémites de la première
heure et les nostalgiques de l’Algérie française) et d’y adjoindre les
désespérés et les déçus, de droite comme de gauche.
Le Front national est un parti qui réussit à
prospérer sur le discrédit dans lequel sont tombés tous les autres partis et à
progresser en même temps que l’abstention, à faire de la politique sur la
déliquescence du politique, à se présenter comme l’alternative vraie aux
fausses alternances UMP-PS.
Les élections départementales qui viennent de
se dérouler marquent l’achèvement d’un processus. Elles marquent bien sûr une déroute
de la gauche, parti socialiste en tête, mais pas pour autant la victoire de la
droite et Sarkozy ferait bien de s’aviser que « sa victoire » ne peut
être qu’une victoire en trompe l’œil, une victoire à la Pyrrhus. Son rêve de
revanche et d’une nouvelle alternance est mort-né. Le taux d’abstention record
(supérieur à 50%), auquel il faut ajouter les 4,16% de bulletins blancs et nuls,
et le score élevé du Front national signifient que le rideau est tombé sur le dernier acte électoral de la Ve république.
C’est fini pour les socialistes : leurs reniements et leurs trahisons sont
top profonds et trop graves, ils sont devenus irréparables. Un ancien cheminot,
militant communiste et cégétiste de toujours à Tergnier disait, dans l’émission
« Envoyé spécial » du jeudi
2 avril 2015, consacrée à la poussée du Front national dans le département de
l’Aisne, tout son désespoir et toute sa rancœur en affirmant ne plus jamais
déposer un bulletin socialiste dans une urne, quoiqu’il arrive. C’est fini
aussi pour la droite, qu’un retour aux « affaires » ne
réhabilitera en aucune manière et qu’il ne remettra pas durablement en selle.
Le Front national imagine que son heure arrive. En fait, il n’est rien d’autre
qu’un parti symptôme, ou encore un parti thermomètre : plus le corps social est malade, plus il monte. Il n’ouvre aucune perspective politique. Il rêve d’une
autre alternance, et d’un autre bipartisme où il aurait en face de lui ce qu’il
appelle l’UMPS, jusqu’à ce que sans doute les masques tombent, comme c’est déjà
arrivé dans l’histoire.
En réalité, ces résultats électoraux sont les
symptômes de la décomposition du régime et du système de représentation. Le jeu
politicien est perçu par un nombre croissant de citoyens comme une triste
comédie aux rôles interchangeables et aux discours vides de sens, sans prise
sur le réel, puisque « toutes les
politiques des gouvernements successifs découlent des engagements pris dans les
traités européens et sont cadrées par les directives de l’Union européenne ».
Politologues et commentateurs, après chaque élection
marquée par un progrès de l’abstention et du vote frontiste déplorent une défaite
de la démocratie et parlent d’une victoire du populisme,
terme commode pour retourner contre le peuple la trahison de « élites »
ou prétendues telles : « ouvriers,
employés, travailleurs précaires, salariés à temps partiel (…) sortent du droit
chemin politique qui était jusque là le leur : ayant le sentiment que
la gauche ne tient aucun compte de leur malaise, ils s’en détachent massivement
(…) Bref, le peuple a déçu la gauche : il s’est figé dans la nostalgie, il
est devenu réactionnaire. » Alain
Finkielkraut, l’identité malheureuse. Autrement dit, le peuple a trahi … il
est devenu populiste ! Faute de changer de politique, comme le suggérait
ironiquement Berthold Brecht, il faudrait changer de peuple.
À
cela, on peut faire deux remarques.
1.
Certes, ceux qu’on rassemble par commodité dans
« le peuple de gauche » paraissent désemparés, en mal de repères, en
mal de « récit ».
Le « récit » : telle est la dernière idée à la
mode, et qu’on qu’on n’a sans doute pas fini d’entendre : « Une rupture silencieuse s’opère entre cette
expérience prolétarienne et le grand récit de lutte et d’émancipation qui était
censé la prendre en charge », dit Finkielkraut, dans L’identité malheureuse.
En fait, l’idée n’est pas si nouvelle. On la doit à Jean-François
Lyotard qui, en 1979, décrivait la « condition
postmoderne » comme la « fin
des grands récits » auxquels l’homme moderne recourait pour légitimer
ses savoirs et ses actes: « l’émancipation
du citoyen, la réalisation de l’Esprit, la société sans classes ». Or,
dit Lyotard, « l’homme postmoderne
n’y croit plus ».
Il existe des variantes à la « fin des grands récits », plus triviales mais qui répondent à
la même intention démobilisatrice et à la même incapacité de penser l’histoire
: « la fin des idéologies »,
et même, pour faire bonne mesure, la « fin
de l’histoire », thèse selon laquelle la fin de la Guerre froide
marquerait la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme sur les
autres idéologies politiques. Le politologue américain Francis Fukuyama n’hésite
pas à siffler la fin de l’histoire en déclarant la suprématie absolue et
définitive de l'idéal de la démocratie libérale, non pas comme horizon ou comme
projet, mais comme événement effectivement réalisé.
Le cheminot désespéré de Tergnier, l’agriculteur accablé de
Guise, le fonctionnaire désabusé de Château-Thierry (Cf. l’émission d’« Envoyé spécial » déjà citée)
seraient donc au bout du compte des hommes « postmodernes » qui
s’ignorent, affranchis des idéologies mortifères des siècles précédents et
déchargés de la mission de faire l’Histoire. Bref, pas de quoi s’alarmer :
pour les plus lucides, c’est tout bénéfice ; quant aux autres, pourquoi ne
pas sortir de derrière les fagots, ou retricoter à leur intention un récit consolateur
permettant de donner du sens au nouvel ordre mondial et à s’en accommoder,
puisqu’aussi bien « There is no
alternative » (Il n'y a
pas d'autre choix) comme le disait Margaret Thatcher.
On voit à quel point l’idéologie s’empêtre dans ses propres
contradictions lorsqu’elle prétend à son propre dépassement dans un déni
d’elle-même.
2. La
démocratie n’est pas réductible au suffrage universel, surtout lorsqu’il est
dévoyé par des institutions comme elles de la Ve République. Il en
est du peuple français comme il en était du peuple anglais au XVIIIe
siècle (en est-il autrement aujourd’hui ?) : « Le peuple Anglais
pense être libre, il se trompe fort; il ne
l'est que durant l'élection des membres du parlement: sitôt qu'ils sont élus,
il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage
qu'il en fait mérite bien qu'il la perde », Rousseau, Du
Contrat social, III. 15.
Le caractère antidémocratique des
institutions de la Ve République aujourd’hui saute aux yeux et ces élections
départementales montrent qu’aucune alternative ni aucune issue ne peut passer
par la voie électorale dans une situation politique bloquée comme jamais.
Reste donc la « lutte des classes », que
les théories postmodernes avaient remisée au magasin des « grands
récits » défunts, comme seule voie de reconquête de la démocratie : «
Ce qui ne peut plus s’exprimer sur le terrain électoral cherchera
inévitablement à se résoudre sur un autre plan. » Gérard Schivardi, Jean Markun, Daniel Gluckstein. Et les secrétaires
nationaux du POI ajoutent, dans leur communiqué du 24 mars 2015, que la classe ouvrière est en mesure, « en se mobilisant sur son propre
terrain (…) d’entraîner avec elle l’immense majorité de la population (…) et
d’« ouvrir la voie à la rupture
radicale à laquelle le peuple aspire » (…) de « bloquer
la marche à la destruction et de rétablir immédiatement comme priorités
l’emploi pour tous, la garantie des salaires, des revenus, des pensions, etc. ». C’est beaucoup, d’autant que le
« etc. » est riche de
promesses et que le terme de « rupture
radicale » est sans ambages : est-ce à dire que pourrait revenir
le temps des « grands soirs » et des « lendemains qui
chantent » ? Il n’y a nulle ironie dans mon propos : je
remarquerai seulement que c’est attendre énormément de la grève interprofessionnelle et de l’appel à
manifester le 9 avril contre le pacte de responsabilité et la loi Macron, lancé
par les confédérations syndicales CGT et CGT-FO, avec la FSU et Solidaires,
même comme premier point d’’appui d’une action à venir et quelle que soit
l’importance de cette initiative et de ce avec quoi elle renoue.
Esprit,
es-tu là ?
Le communiqué du 24 mars, même en tant qu’il
appelle à la mobilisation la plus massive possible et qu’il en fait un enjeu
déterminant, paraît bien optimiste. Nous savons tous à quel point il est
difficile de se mobiliser et d’entraîner la population avec soi…alors, « l’immense majorité » ? Quant à
la « rupture radicale »
est-il si évident que c’est ce à quoi le peuple aspire ? Et de « rétablir immédiatement comme priorité
l’emploi pour tous », qui y croit encore lorsque les gouvernements qui se suivent depuis plus de 30 ans ont
tous affirmé que c’était bien là leur préoccupation première, quand ce n’était
pas la seule ? Ne parlons même pas de « la
garantie des salaires, des revenus, des pensions » qui, à la
différence de l’emploi pour tous, ont cessé d’être des objectifs pour la
plupart des partis, y compris des partis dits « de gauche ». Bref, ce
communiqué pose plus de questions qu’il ne donne de réponses.
N’est-ce pas se payer de mots, et se bercer
d’illusions que de croire qu’il serait possible de réaliser une mobilisation assez
massive pour renverser l’ordre des choses dans l’état de désespérance et
d’abattement qui a porté tant de citoyens vers l’abstention ou le vote
frontiste ?
On serait enclin à penser que tout est perdu,
que toutes raisons d’espérer et de croire en des jours meilleurs sont des
chimères et que tout ce qui a porté les citoyens de France à se tenir debout
contre les coups du sort et les injustices de la société en inventant des
systèmes d’entre-aide et de protection, des services de soins et des
institutions éducatives : la sécurité sociale et l’hôpital public, l’école
publique, bref les services publics, le droit du travail, « l’État
providence », que tout cela est irrémédiablement perdu, qu’il faut s’y
résigner et en prendre acte en mettant en œuvre les « réformes structurelles » auxquelles l’Europe presse et qui
seraient la seule voie possible : il n'y a pas d'autre choix (there Is no alternative).
Il faudrait se
résigner au déclin de la France, à sa perte d’influence, à son effacement sur
la scène internationale, au déclassement de sa langue et de sa culture, et
même, suprême masochisme, à y collaborer activement : la ministre
française de l’Enseignement supérieur a par exemple décrété, le 20 mars 2013,
la fin du monopole de la langue nationale dans les cours, examens, mémoires et
thèses !
Il y aurait bien de quoi désespérer du
peuple, et de la France, en s’abandonnant à l’idée funeste d’un déclin
inéluctable si, le 11 janvier 2015, le peuple ne s’était mobilisé en masse au
nom de la liberté d’expression bien sûr, mais aussi de ce qui le constitue
comme le corps des citoyens de la République. Le peuple a montré en des
circonstances dramatiques où la République avait été attaquée dans son principe
une formidable puissance de mobilisation. Et il serait impensable qu’une telle
force se dissipe et se dissolve dans les récupérations qu’on a tenté d’en
faire.
Ils
ont été nombreux, ces apôtres d’une nouvelle pentecôte, à attendre que
« l’esprit du 11 janvier » descende sur eux, et nous n’avons
nullement l’intention de rejoindre leurs rangs.
Ce qui est clair à présent, c’est que François Hollande n’était pas le
mieux placé pour incarner cet esprit et qu’à vouloir le faire, il n’a pu gagner
qu’un regain de popularité éphémère et quelques sarcasmes bien mérités.
Décidément, vous n’êtes pas bon apôtre, Monsieur le Président. Outre cela, on
voit que cette mobilisation n’était pas de nature à être instrumentalisée dans
le jeu actuel de la politique.
La
grande manifestation des citoyens rassemblés par millions « contre les
attentats pour la paix, pour la laïcité, pour la démocratie », je ne parle
pas bien évidemment de la « manifestation des chefs d’état de la planète,
l’OTAN, le églises, le Medef pour l’union sacrée », se caractérisait par
sa calme détermination et par sa volonté de réassurer solennellement le pacte
social de la République. Nul besoin de renvoyer à un quelconque « grand
récit », ou d’en écrire un nouveau, pour le comprendre, et pour y être
sensible.
Il
est ici question de l’Histoire d’un peuple, et non pas des histoires qu’on lui
raconte, ou qu’il se raconte.
Et
puisque la question est celle du sens que l’on peut donner à la mobilisation du
11 janvier, je dirai que c’est d’abord celui d’un « sursaut républicain ». Il ne faut pas s’y tromper : il ne
s’agissait pas de ce « sursaut » auxquels étaient invités les
électeurs du second tour des départementales pour faire barrage au Front
national et qui relevait de la cuisine électorale habituelle, que les électeurs
ont à présent en horreur. Il s’agissait d’un rassemblement populaire autour de
valeurs fondatrices dont les événements dramatiques des sept et neuf
janvier avaient fait mesurer toute l’importance.
Bien
sûr, on ne peut guère se prononcer sur les motivations individuelles des
millions de personnes qui s’étaient rassemblées derrière la bannière « Je
suis Charlie », mais ces manifestations immenses étaient impressionnantes
de dignité et de détermination, très différentes en cela d’autres
manifestations récentes prétendument « pour tous ».
Ce
n’est pas tant « l’esprit du 11 janvier » qu’il convient à présent de
convoquer pour appeler à d’autres rassemblements que cette capacité du peuple à
se mobiliser lorsqu’il y a un véritable enjeu.
L’enjeu
aujourd’hui, c’est toujours la République laïque : l’École, les services
publics, la protection sociale, le droit du travail, etc., (on pourrait encore
dire, pour reprendre un ancien concept qui n’a rien perdu de sa pertinence, que
c’est « la sociale »), car
c’est tout cela qui est attaqué par ceux-là même qui devraient en être les
garants, et qui ont tenté honteusement de mettre au service de leur entreprise
de destruction ce qu’ils appellent « l’esprit du 11 janvier ».
Il s’agit,
à présent que ces tentatives de récupération et de falsification ont échoué, de
retrouver le souffle du 11 janvier, pour impulser les actions à venir :
non, le peuple n’est pas résigné, il n’est pas prêt à renoncer à ce qu’il a
conquis depuis plus de deux siècles, il est prêt à se lever pour défendre
toutes ses conquêtes. Ce n’est pas entre « l’émotion authentique de millions de travailleurs, de jeunes, de
citoyens, manifestant leur rejet de la barbarie » et une union de
soutien à la politique de Hollande et à ses réformes qu’il faut jeter un pont,
mais entre cette même union et la grève interprofessionnelle et l’appel à
manifester le 9 avril contre le pacte de responsabilité et la loi Macron. Ainsi,
les récupérateurs, usurpateurs et autres falsificateurs en seront pour leurs
frais.
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