L’ « ABCD pour
l’égalité » a mauvais genre, ou
l’art de
semer le trouble dans les esprits et de se mettre dans la…difficulté.
Voilà ce qui arrive quand, voulant faire diversion à la
réforme contestée des « rythmes scolaires », on cherche un consensus
dans des questions dites « sociétales » censées rassembler, au sujet
de l’école, un « peuple de
gauche » déboussolé ! Quel meilleur sujet en effet que l’égalité
entre filles et garçons pour rassembler socialistes
et féministes dans l’idée que l’égalité serait encore une valeur de gauche ?
Voilà ce qui arrive quand, ignorant que la mission de l’École
publique, et sa noblesse, consistent dans la transmission des savoirs, sans
lesquels il ne peut y avoir ni formation du jugement ni esprit critique, on
prétend éduquer sans instruire et façonner des « savoir-être » sans
dispenser les connaissances requises.
Car c’est bien de là qu’il faut partir pour juger de la valeur
et de la portée de l’expérience menée dans les écoles maternelles et primaires dans
le cadre de « l’ABCD de l égalité », mais aussi de la légitimité
des accusations dont cette expérience a été l’objet en même temps que des
dénégations indignées de ses initiateurs et de ses partisans.
Expérimenté actuellement dans six cents classes de deux cent
soixante-quinze écoles maternelles et élémentaires, « l’ABCD de
l’égalité » propose des outils pédagogiques destinés à lutter contre les
inégalités entre filles et garçons. L’école, autrefois accusée par Pierre
Bourdieu de reproduire les inégalités sociales, se voit aujourd’hui suspectée
de reproduire les inégalités entre les sexes, et c’est cela que l’on veut
changer. On lui demande désormais de combattre les inégalités hommes-femmes, et
pour cela d’enseigner l’égalité des sexes dès l’école maternelle. On met alors
à la disposition des maîtres « un ensemble de dispositifs permettant de
travailler l’égalité des sexes et de lutter contre les stéréotypes de sexe,
dans les diverses disciplines enseignées de la maternelle au cycle 3 ».
L’évocation de la sexualité à l école a toujours provoqué
des réactions violentes et souvent mal pesées. On a voulu présenter cet
« ABCD » comme une introduction, dès l’école maternelle, de l’éducation
sexuelle non seulement théorique mais encore pratique. On a soupçonné l’école
de vouloir faire la promotion de l’homosexualité après avoir supprimé la
différence des sexes, et même, selon certaines rumeurs de vouloir y enseigner la
masturbation !
On a dit également qu’il s’agissait d’enseigner à l’école la
« théorie du genre ». Et les initiateurs de l’expérience sont
aussitôt montés en ligne pour récuser toute référence à une telle théorie,
prétendant souvent dans le même temps qu’elle n’en était pas une, qu’il
n’existait pas de telle théorie. Il suffit pourtant de lire les textes pour
constater que la référence au « genre » est omniprésente et on se
demande ce qui a pu conduire à le nier avec une telle vigueur : Vincent
Peillon lui-même a lancé à l'Assemblée nationale « La théorie du genre, je
la refuse ». De qui le ministre se moque-t-il ?
·
On trouve dans les textes de référence émanant
notamment des Centres de Recherche Pédagogique des bibliographies indiquant les
« ouvrages essentiels portant sur l’approche genrée des disciplines »
(sic).
·
On
assigne explicitement pour objectif à « l’ABCD sur l’inégalité » la
déconstruction des « stéréotypes de genres ».
·
Dans le
cadre de cette « approche genrée des disciplines », on recommande une
liste d’ouvrages, revues et ressources en ligne permettant d’aider à la
préparation de séquences pédagogiques, parmi lesquels une
« grammaire non sexiste » (sic), une introduction aux « gender
studies », un dossier sur « Genre et histoire de l’art » et le
site de l’association européenne « Du côté des filles » (www.ducotedesfilles.org), qui ne fait pas mystère des objectifs ni des
moyens : « l’élimination de
toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme … en
particulier en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes
pédagogiques ».
Mais pour chasser les stéréotypes de l’esprit des enfants, il
ne suffirait pas d’expurger les manuels scolaires, en particulier les manuels
d’histoire, d’histoire de l’art, de littérature et de sciences (rien de
moins !) de leurs représentations sexistes, il faudrait encore réformer
les maîtres eux-mêmes pétris de préjugés en la matière. Ces derniers sont donc
sommés de s’amender en observant leurs pratiques professionnelles à l’aide de
« grilles d’observation des relations de genre dans la classe et à
l’école ». Ces grilles sont très officielles : elles émanent des
formateurs et des inspecteurs de l’Éducation nationale, destinées (ou imposées ?)
aux équipes pédagogiques et appelées à être prises en compte dans les projets
d’école. Le maître est tenu de faire son examen
de conscience en se demandant par exemple si, dans l’organisation du travail de
groupe, il veille au respect de la mixité, s’il confie les mêmes
responsabilités indifféremment aux deux sexes, s’il fait référence à son
appartenance sexuée, à celle des élèves (sic), s’il catégorise en s’adressant
« aux filles » et « aux garçons », comment il prend en
compte le genre dans son enseignement, s’il pense à « insister sur la neutralité
des disciplines qu’il enseigne », s’il « varie le genre dans les
exemples donnés », s’il « propose un éclairage sur certains manuels
de la classe qui pourraient présenter un stéréotype de genre prononcé »,
s’il « propose des activités visant à casser les stéréotypes », si
ses interventions et les sanctions sont de même nature pour les filles et les
garçons etc. Et l’on prétendra, après cela qu’il n’est pas question de
« genre » dans l’ABCD pour l’égalité !
Peu importe ici que les « gender studies » s’inscrivent
ou non dans une théorie scientifiquement valide et cohérente, il s’agit
seulement de savoir si ces études de genres ont leur place à l’école maternelle
et élémentaire, si elles peuvent contribuer comme on le prétend à la
réalisation de l’égalité des sexes et à l’éradication de la discrimination à
l’égard des femmes dans la société française.
Car l’égalité des sexes est une revendication dont la
légitimité n’est plus guère contestée dans la société française. Que l’école
puisse et doive contribuer à sa réalisation n’est pas davantage soumis à débat. Toute la question est de
savoir comment elle le peut, et comment elle le doit.
·
Elle doit bien sûr traiter également les filles
et les garçons, leur donner le même enseignement et leur ouvrir les mêmes
horizons culturels, et elle le fait depuis qu’il n’y plus d’écoles de filles et
d’écoles de garçons, et que la mixité s’est généralisée, de l’école maternelle
aux universités et aux grandes écoles.
·
Elle doit également combattre les préjugés parmi
lesquels le racisme et le sexisme. Et cela elle le fait en instruisant, en
dispensant les connaissances et les « lumières » qui sont les seules
armes efficaces contre les préjugés et les superstitions.
La formation du jugement et de l’esprit critique, en quoi
consiste l’acte d’instruire, est en effet la seule arme que l’école puisse
légitimement utiliser pour lutter contre l’ignorance et l’obscurantisme. Or, ce
n’est pas de cette manière que « l’ABCD pour
l’égalité» entend « déconstruire les stéréotypes de genres », c’est
en induisant des comportements en décalage ou en opposition avec les rôles
ordinairement associés au masculin ou au féminin (le chirurgien et la
sage-femme ; le pompier et la caissière, le directeur et la secrétaire),
et pour cela en faisant jouer aux enfants d’autres rôles que ceux par lesquels
ils acquièrent traditionnellement le sentiment de leur identité sexuelle, bref
en prenant les « stéréotypes à contre-pied ». Est-ce en
interchangeant les rôles dès l’école maternelle que l’on va changer la
société ?
« Infirmière pour
les femmes, pompier pour les hommes : les clichés de l'école maternelle sont
bien réels en France où la "ségrégation professionnelle" persiste
largement, selon une étude du ministère du Travail » AFP 13/12/2013.
Que la « ségrégation professionnelle persiste en
France », on peut aisément le reconnaître, mais imputer ladite ségrégation
aux « clichés de l’école maternelle » relève de la plus haute
fantaisie, d’abord parce que ces clichés ne sont pas propres à l’école
maternelle : c’est parce qu’ils sont encore largement répandus dans la
société qu’on peut les trouver aussi à l’école maternelle qui n’est pas dans la
société comme un empire dans un empire. Mais cette dépêche de l’AFP, dans sa
formulation propre, est l’indice d’une confusion largement entretenue dans tous
les discours qui utilisent le concept de genre, en même temps que d’un
sophisme : si les « clichés » incriminés sont présents dès l’école
maternelle, c’est qu’ils auraient leur source dans l’école maternelle et que
leur éradication à l’école maternelle permettrait de couper les discriminations
professionnelles à la racine. Il conviendrait alors d’habituer les filles à
jouer des rôles de pompier, aux garçons des rôles d’infirmier (ère), aux filles
de se déguiser en cosmonaute, aux garçons en fée, de multiplier les jeux où les
garçons porteraient des robes, bref d’interchanger les jouets, les tenues, les
fonctions pour que les métiers soient équitablement répartis entre les sexes !
Que l’on ne rie pas, c’est bien ce qu’ont entrepris les écoles
maternelles Nicolaigarden et Egalia, à Stockholm, pionnières de la
« pédagogie neutre ». Ce sont des écoles où les fillettes jouent aux
vaillants chevaliers tandis que les garçons rêvent à la princesse charmante.
« La maternelle
Egalia, à Stockholm, prend très au sérieux la lutte contre les stéréotypes de
genre — réclamée dans le secteur de l'éducation par le gouvernement suédois dès
1998. Il s'agit de combattre dès le plus jeune âge les conditionnements
imbéciles qui nuisent à l'égalité des sexes : le rose et les poupées pour les
miss ; le bleu et les voitures pour les jeunes mâles. Pour le personnel
enseignant d'Egalia, il n'y a plus ni «garçons» ni « filles », mais des enfants. D'ailleurs,
plutôt que de dire il ou elle, on dit hen,
soit un pronom sexuellement indifférencié. Et si hen le souhaite, hen
peut tout à fait enfiler une robe pour le cours de danse... » Télérama, Critique TV du 01/02/2014.
On dira qu’il s’agit de la Suède, et que l’école de Jules
Ferry ne saurait tomber dans de tels excès. On peut tout de même s’inquiéter
lorsque l’on sait que l’école Egalia a reçu la visite d'un conseiller du maire
de Paris Bertrand Delanoë alors même que la réforme dite « des rythmes
scolaires » entreprend de mettre l’école de la République sous la coupe
des collectivités territoriales. On impute à l’école maternelle des « conditionnements imbéciles qui nuisent à
l'égalité des sexes » (sic), mais
à l'âge où les enfants construisent leur identité, est-il opportun en se
fondant, qu’on l’avoue ou non, sur les « gender studies », de les
soumettre à des expérimentations visant à subvertir les modèles
d’identification le plus souvent reconnus comme naturels et légitimes dans
les familles et dans la société ? De quel droit ? Pour satisfaire quelles
positions idéologiques et répondre à quels enjeux ?
Un regard tant soit peu critique révèle que derrière la
finalité proclamée (l’égalité filles-garçons à l’école, prélude de
l’émancipation des femmes dans la société) se camouflent mal d’autres objectifs
beaucoup moins consensuels, en particulier le renversement de « l’hétéronorme
» et des modèles familiaux qui lui sont liés. Combat féministe si l’on
veut, mais pas seulement : en même temps que l’émancipation des femmes,
c’est l’émancipation des homosexuels désireux d’accéder à « l’égalité des droits » par le mariage, la procréation
assistée et la gestation pour autrui qui est recherchée. Ce n’est pas un hasard
si cette affaire de l’ABCD n’a pas seulement provoqué un tollé chez les
machistes et les homophobes, mais aussi chez de très nombreuses personnes qui
restent attachées à la famille traditionnelle et sont surtout choquées par des
mises en cause de l’identité sexuelle qu’ils jugent extravagantes et
insupportables. Pour l’historienne Christine
Brard, la France éclairée et progressiste est « celle qui fait un
succès à « La Vie d'Adèle », trouve « Guillaume »
formidable et se précipite dans les librairies pour acheter le livre d'Edouard
Louis, Pour en finir avec Eddy Bellegueule ». La peur rancie de l’indifférenciation sexuelle », le Monde.fr (07-02-2014). Ne pas se
reconnaître dans cette France-là, c’est s’exposer aux foudres de l’historienne
de la psychanalyse Élisabeth Roudinesco lorsqu’elle stigmatise la « grande coalition boursoufflée des
représentants de l’extrême-droite, toutes tendances confondues - anti-mariages
gay, appuyés sur un catholicisme intégriste, salafistes habités par la terreur
d’un maléfique lesbianisme américain, lepénistes anti-système, baroudeurs de la
quenelle… » Il est évident qu’une alternative aussi grossière et des
charges tellement agressives, relevant d’un véritable terrorisme intellectuel,
font le lit de ces extrémistes qu’elles veulent dénoncer. Les parents qui se
sont alarmés au sujet de l’ABCD ne sont pas nécessairement de ceux qui ont participé
à la « manif pour tous » ou au « Jour de colère ». Ils ne
sont pas nombreux à avoir cru que l’école allait initier un enseignement
« visant à transformer les garçons
en filles, les filles en garçons et les classes en un vaste lupanar où les
professeurs apprendraient aux élèves les joies de la masturbation collective »,
comme Élisabeth Roudinesco leur en fait le procès, et ils sont rares à avoir participé
à la journée de retrait de l’école. En revanche, ils sont nombreux à s’être demandé,
et c’est bien leur droit, ce qu’il y avait derrière cet « ABCD de
l’égalité » et à s’être étonnés de ce procès fait à l’école de la
République et à ses maîtres d’entretenir les enfants dans le préjugé de l’inégalité
des sexes ou de ne rien faire pour le combattre. Beaucoup se sont indignés que
l’on fasse de l’école le relai de mouvements ou de doctrines susceptibles de
nuire à sa neutralité et rechignent à se soumettre à la nouvelle bien-pensance
d’une « gauche » manifestement mal à l’aise avec la notion d’égalité.
Ayant renoncé à combattre le capitalisme, cette « gauche »
oublieuse de ses propres valeurs abandonne le social pour le
« sociétal » et essaie d’occulter cet abandon par une lutte déclarée
contre les exclusions (contre le racisme, le sexisme, l’homophobie,
l’islamophobie… ) Quoiqu’il en soit de la légitimité de ces luttes, il faut
bien voir que ce changement de scène n’est pas sans conséquences.
Sur le plan politique d’abord : l’ennemi n’est plus
l’ennemi de classe (le bourgeois, le capitaliste, le patron), mais l’auteur de
discriminations et d’exclusions ( le raciste, le sexiste, l’homophobe…) La lutte
politique n’est plus tant dirigée contre les partis de la classe dominante (de
la droite et du centre avec lesquels on est tout disposé à conclure des pactes
de circonstance) que contre le parti désigné comme raciste, sexiste et
homophobe (et qui peut l’être effectivement), contre la « grande coalition boursoufflée des représentants de
l’extrême-droite, toutes tendances confondues » dont parle E. Roudinesco.
Mais ce ne sont pas tant des raisons politiques qui président à cette lutte,
que des raisons morales. Il ne s’agit plus de combattre un système
économico-juridico-politique générateur d’inégalités sociales, mais de réformer
les mœurs. Il ne s’agit plus de rechercher les causes des inégalités, y compris
les inégalités entre les sexes, dans un mode de production déterminé (le mode
de production capitaliste), mais de les imputer à quelques
« stéréotypes » ou autres clichés. C’est dans une telle perspective
que les « études de genres » sont appelées à la rescousse. Rien
d’étonnant alors si le parti socialiste au pouvoir, qu’il faudrait plutôt rebaptiser
« sociétaliste (1)»
tant ses perspectives se sont écartées de celles du socialisme, entreprend pour
cela de passer par l’école. Mais cette école est aussi éloignée de l’école de
Jules Ferry que celle du parti de François Hollande l’est du parti de Jean
Jaurès : ce n’est plus une école qui permet d’émanciper les esprits par le
savoir, mais une école qui autorise à les conditionner en travaillant les
comportements.
Voilà donc ce qui arrive lorsqu’on fait fi des missions de
l’école de la République et qu’on en fait l’instrument d’un « projet de
société » porté par des courants idéologiques ou de groupes de pression
qui n’y ont pas leur place : l’école devient le siège d’affrontements dont
l’État a pourtant le devoir de la préserver, en tant qu’il est le garant naturel
de sa neutralité. Avec « l’ABCD de l’égalité », les enfants
deviennent les proies d’expérimentations potentiellement préjudiciables à leur développement,
ce qui est un comble. Élisabeth Badinter, dont l’engagement en faveur de
l’égalité des sexes n’est pas discutable, s’est indignée que l’on puisse
prendre les enfants pour des animaux d’expérience. S’il est possible et
souhaitable de dénoncer dès l’école les « stéréotypes d’inégalité »,
qui font des garçons des petits machos dominateurs, il serait dangereux d’y
déconstruire les « stéréotypes d’identité », dont les enfants ont
absolument besoin pour se construire comme être humains sexués. Les enfants,
insiste Élisabeth Badinter, « ont absolument
besoin de différenciation sexuelle et l’idée d’élever des enfants hors genre
est une idée délirante (…) L’idée de rayer une fois pour toutes tous les
stéréotypes est une aberration ; elle n’est pas libératrice, mais elle est
source de confusion et les enfants auraient du mal à s’en remettre. »
Ce débat sur les genres, qui a sa place dans la société, et
qui renvoie à la vieille opposition nature-culture/inné-acquis, est donc
incongru lorsqu’on l’introduit à l’école élémentaire, et scandaleux lorsqu’il
est l’occasion pour certains courants idéologiques d’investir l’école, et de la
subvertir ! L’école a en effet vocation à libérer les esprits par la
connaissance ; sa mission n’est pas de substituer aux préjugés que l’on
déclare détestables des préjugés que l’on tient pour aimables, elle est de
libérer de tous les préjugés en leur substituant des jugements, qui ne sont
tels que parce qu’ils sont fondés sur des connaissances. Et ce n’est pas à
l’école élémentaire que l’on peut dispenser les connaissances permettant de
trancher entre le naturalisme et le culturalisme et de faire la part entre ce
qui, en l’homme, relève de la nature et ce qui relève de la culture. De telles
questions relèvent de l’anthropologie et de la philosophie, et « faire croire que l’on pourrait enseigner les
oeuvres de Freud, de Butler, de Laqueur, de Foucault, de Bourdieu ou de Stoller
à des enfants de 11 ans, relève du délire », reconnaît justement
Élisabeth Roudinesco. Mais elle est à côté de la plaque lorsqu’elle ajoute que
« l’ennemi à combattre aujourd’hui
c’est la “bête immonde” dont les partisans accrochent pêle-mêle au cou de leurs
enfants en bas âge, lors de leurs manifestations, des pancartes où l’on peut
lire : “à bas les homos, à bas les Juifs, à bas Taubira, à bas les
familiphobes, dehors les étrangers, etc… » Certes, ces expressions de
la haine ordinaire, et le rôle qu’on fait jouer aux enfants dans ces manifestations
doivent être dénoncés et combattus, mais pourquoi l’école devrait-elle être
partie prenante dans ces vilaines affaires ? Ce serait lui faire courir
les plus grands risques que de l’y engager
et des expériences comme « l’ABCD pour l’égalité » ne peuvent
que semer le trouble dans les esprits.
Non, l’école, on ne le
répètera jamais assez, ne peut agir contre les inégalités et les exclusions
qu’en instruisant les enfants ; elle ne peut lutter contre les préjugés générés
par leur milieu et par la société qu’en
formant leur jugement pour en faire des citoyens éclairés. S’il appartient à
l’école de dispenser les savoirs, il ne lui appartient pas d’imposer un mode d’emploi
pour ces savoirs : il revient aux seuls citoyens de décider de l’usage
qu’ils en feront. Dès qu’on prétend se servir de l’école pour réformer les
mœurs et imposer un « projet de société », on verse dans une
dérive totalitaire, aux antipodes de l’idéal laïque qui est de libérer les
esprits en dispensant des savoirs dégagés de toute pression communautaire et de
tout dogme.
(1) Je pensais, par ce terme de
« sociétalisme », avoir forgé un néologisme. J’ai pu vérifier que le
mot existait bel et bien, et qu’il désignait un « mouvement mondial fondé
sur les droits de l'homme et le respect de l'environnement »
(fichtre !) Ce n’est pas en précisément ce que j’entendais par ce
terme : je voulais simplement introduire l’idée d’un
« sociétalisme » qui serait au « sociétal » ce que le
socialisme était au social. Là non plus, je ne suis pas le premier à avoir eu
cette idée, comme j’ai pu le vérifier en lisant ce texte signé Éric Dupin, au
titre évocateur : « le sociétalisme, maladie sénile du
socialisme », dont je reproduis ici un extrait et que vous pourrez
consulter en cliquent sur ce lien.
« En 1920,
Lénine accusait le «gauchisme» d’être «la maladie infantile du
communisme». On peut se demander aujourd’hui si le «sociétalisme» –c’est-à-dire
la focalisation du changement social sur les réformes de société– n’est pas la
maladie sénile d’un socialisme épuisé. Le leader bolchevik reprochait aux
communistes enragés leur purisme révolutionnaire, gage d’inefficacité. Dans un
genre très différent, les socialistes français pêchent eux aussi par évitement
du réel. Impuissants à changer l’ordre des choses, ils sont tentés de se
raccrocher à des totems symboliques.
Mariage
homosexuel, droit de vote des étrangers: c’est là que ça pousse, que ça
pétitionne, que ça manifeste. On sera certes guère surpris que le peuple de
gauche ne descende pas dans la rue pour soutenir le «crédit d'impôt
compétitivité et emploi» (CICE) et la hausse de la TVA qui lui est accolée. Le
PS a choisi d’entériner le virage économique du pouvoir sans débat et en
ravalant ses doutes. En une sorte de compensation, il se veut en pointe sur les
«questions de société »
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