Le Copo, les copains et les autres...


Un bonjour des années 50.

Il me faut rappeler que ce blog s'est donné pour objet l'analyse et le débat, pas la polémique. Pourtant, il peut devenir nécessaire de répondre à certains débatteurs sur le terrain que ceux-ci ont eux-mêmes choisi.
Je répondrai donc d'abord au nommé jpbb qui me prend à parti en me faisant remarquer que Marx est mort. Il persiste et signe, sur le blog d'Emmanuel Mousset, en désignant le site du Copo comme "un musée de la pensée des années 50" (à une époque sans doute où l'on ne savait pas encore que Marx était mort).
Bref, tout le propos s'organise autour d'un seul argument, ou supposé tel : le blog du Copo est archaïque, et par cela caduc, obsolète, bref "ringard", passé de mode.

Parce que finalement, tout est là : ce qui fait la valeur d'une pensée, c'est sa conformité à l'air du temps et au psittacisme médiatique, c'est son caractère "actuel", "moderne" : une pensée se doit d'être au goût du jour. Foin des considérations inactuelles, qui risquent fort d'être intempestives. La vérité est fille du temps, c'est bien connu, et lorsque je parle ici du temps, il faut l'entendre de la manière la plus étroite : hier, c'est déjà le passé, les années 80, c'est le moyen-âge ; que dire des années 50 ?

Qu'ils doivent se réjouir, les propagandistes de tout poil qui sont parvenus à faire adopter, pour les idées et les théories, les mêmes critères de valeur que pour les produits de mode, opérant la jonction entre propagande et publicité ; qu'ils doivent se frotter les mains en considérant le tout dernier message sorti tout droit de leur dernièr "think-tank" :

"votre pensée, cher ami, est tout à fait démodée, on la dirait tout droit sortie des années 50 ; je vais vous conseiller le meilleur tailleur d'idées toutes faites, et très tendance. Mais si, vous savez bien, très cher, celui qui fournit le tout Paris, vous m'en direz des nouvelles !"

Non, merci beaucoup, le prêt à penser ne me sied pas ! Et je n'ai jamais goûté ni la propagande, ni la publicité ; alors, les deux ensemble !

Mais pourquoi les années 50 ? Il semblerait que ce soit une manière subtile de désigner une pensée comme marxiste : comme chacun sait, à cette époque-là, tous les intellectuels étaient marxistes ! Et il ne restera qu'à confirmer cette thèse en trouvant dans l'intitulé un "postulat marxiste". M. jpbb croit l'avoir identifié : "lorsque les régimes dits libéraux, en réalité les régimes capitalistes, produisent des inégalités toujours croissantes, ce n'est pas en faveur de la liberté, ni a fortiori pour l'établir". C'est bien, en effet, ce que j'ai dit, et je le maintiens, mais il ne s'agit en rien d'un postulat (savez-vous, cher monsieur, ce qu'est un postulat ?), mais tout simplement d'un constat, doublé, si vous y tenez, d'un procès d'intention. Pas plus le constat que le procès d'intention n'ont d'ailleurs de connotation proprement marxiste. Peut-on, par exemple, taxer de marxistes les "Rapports de l'ONU sur le développement humain"? Voici pourtant un passage du rapport mondial 1998 sur le dévloppement humain.

"Revenu et richesse, des inégalités criantes, titre le rapport :
" En 1960, les 20% de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu 30 fois supérieur à celui des 20% les plus pauvres. En 1995, leur revenu était 82 fois supérieur. Et que dire de l'incroyable concentration de la richesse entre les mains d'un petit groupe de personnes extrêmement riches ? "

Ne s'agit-il pas là d'inégalités toujours croissantes ? La tendance se serait-elle inversée entre 1995 et 2008 ? Ces inégalités peuvent-elles être imputées à autre chose qu'au régime capitaliste? Ont-elles permis d'accroître les libertés, et quelles libertés ? Le but de cette organisation économique du monde dominée par le capitalisme est-il la liberté ? Allons donc, assez de naïveté ! Et qu'y a-t-il donc de marxiste là-dedans ? Allons donc, assez d'amalgames, et de simplisme !

Ce n'est pas que je récuse Marx. Il a donné d'inégalables outils pour penser le système capitaliste, mais ce sont des outils intellectuels fondant une critique radicale du capitalisme, et non je ne sais quels outils d'un bricoleur pragmatique qui permettraient de le retaper, de le rafistoler pour le faire durer un peu plus.

Quant à "la pensée de ouf", il me faut vous dire que je ne parle ni ne comprends ce langage.

Vous voulez, dites-vous encore, "offrir les avantages du capitalisme à tous ceux qui en sont capables". Capables ? Qui donc est capable de jouir de tous ces avantages offerts par le capitalisme ? Vous, peut-être ? Bon, c'est en tout cas ce que promettent tous les chauds partisans du capitalisme à ceux qui veulent bien se faire dépouiller, mais je ne savais pas que c'était également le cas des "sociaux-démocrates réformistes" tendance Mousset (c'est bien votre référence, non ?). Je donne en passant l'adresse exacte du site d'Emmanuel Mousset :
http://laisneavecdsk.blogspot.com, échange de bons procédés.

Dis-moi donc, Emmanuel, ce socialisme nouveau, auquel tu aspires, et qui sera, selon toi, porté sur les fonds baptismaux lors du prochain congrès socialiste, accepterais-tu de le définir, à l'instar du susnommé jpbb, comme un " pragmatisme réformiste social démocrate, qui se sert des outils qu'il a sous la main (sic)" ? Grande ambition !

Penses-tu également que "le marché, qui règle les échanges, soit modifiable à la demande (resic)" ? Enfin, qu'il soit possible d'apporter, à l'aide des outils appropriés, un remède aux excès de l'ultra-libéralisme, qui n'est que la perversion d'un capitalisme en lui-même avantageux ? Ou considèrerais-tu plutôt, comme moi, que ne ce sont là des sornettes indignes d'une pensée socialiste digne de ce nom ? Il m'importe d'avoir là-dessus ta réponse.

Car je remarque qu'en général tu réponds sur la forme (ma prose serait "prolixe" par exemple), mais pas sur le fond. Est-ce répondre sur le fond que de commenter :

"Bernard explique dans une première moitié à quel point j'ai tort et dans une deuxième partie ô combien il a raison. Jusque là, c'est très classique, on verrait mal les choses s'organiser autrement!".

Ah ! voilà un résumé bien désinvolte et une conception bien peu socratique du dialogue. Sur ce point, tu as tort, cher collègue : eh oui, c'est la vérité qui m'importe, et pas la volonté de te convaincre. S'il s'était agi simplement de dire d'abord que tu avais tort et moi raison, j'aurais pu le faire à moindres frais et avec beaucoup plus de concision. Une plus grande attention t'aurait permis de comprendre que c'est à la déclaration de principes du parti socialiste que je m'étais attaché d'abord et essentiellement, à ton interprétation ensuite, et accessoirement. Mais ce qui t'intéresse le plus, je le vois bien, c'est l'agitation politicienne saint-quentinoise que tu ne cesses de ressassser, et tu récrimines, une fois de plus : "Se laisser décerner des brevets d'honorabilité socialiste par le Parti des Travailleurs, celle-là, c'est la meilleure!". Là encore tu fais erreur : je ne distingue pas entre de bons et de mauvais socialistes : c'est à eux qu'il revient de faire le ménage dans leur parti, mais entre ceux qui sont restés socialistes, et ceux qui ont cessé de l'être, au sens jauressien du terme car c'est bien au meurtre symbolique de Jaurès que tu as conspiré : là-dessus, je ne retire rien. Et que tu ne l'aies pas fait seul n'y change rien. Nous sommes aussi en parfait désaccord sur les gens qu'il convient, ou non, de fréquenter.

Tu promets, pour clore ton intéressante diatribe, quelques jets de pavés: ils deviennent difficiles à trouver par les temps qui courent, et il n'en reste plus aucun au quartier latin. J'ai là-dessus, un petit avantage sur toi : j'en ai mis quelques uns de côté, estampillés Gay Lusac 68.

Je conclurai sur le titre de ton billet : "Le Copo et les copains". Elle est bien bonne ! Je vais t'en suggérer une autre : un copeau est une "parcelle de bois ou de métal détachée par un outil tranchant". Tes arguments, et ceux de M. ipbb auront-ils assez de tranchant pour me détacher de mes pensées, et de mon action ?

Allez, je vous dis à tous, pour finir : Salut les Copos !" (celle-là, on ne me l'a pas encore faite, elle date des années 60).



2 commentaires:

jpbb a dit…

Ta pensée tourne en rond, on peut même la prendre comme modèle en se sens. Pas d'ouverture, pas d' échappatoire, des formules pour l' illustrer, mais fondamentalement un lieu clos.

Anonyme a dit…

Cher ami,

Je me permets d'user de ce terme, car ce ne peut être qu'un véritable ami qui m'admoneste ainsi afin que je puisse me corriger de mon erreur, surtout s'il est, comme il le semble, orfèvre en la matière.
C'est donc avec une grande impatience et une grande curiosité que j'attends de savoir précisément en quoi ma pensée "tourne en rond", et quelle "ouverture" ou "échappatoire" (?) lui permettrait de sortir de ce misérable diallèle.