Ratifiez ... ratifiez !


Tous les arguments sont bons !


Lorsque Daniel Cohn Bendit affirme que le référendum n'est pas l'instrument adéquat pour la ratification des traités européens, on ne trouve personne pour s'en indigner, pour cynique que soit l'affirmation. Cohn Bendit nous a habitués à toutes les extravagances et à toutes les incongruités. Après tout, n'est-il pas devenu le Père Ubu de notre temps ? L'on dira donc que mieux vaut en rire.

Mais quand on entend l'argument repris, dans les mêmes termes, par un journaliste dit "sérieux" sur une radio publique nationale, on est moins enclin à rire ! En effet, ce lundi 30 juin, Quentin Dickinson a déclaré, sur France Inter, dans l'émission Inter-activ', entre 8 h 45 et 9 h, que peu importe le mode de ratification et que, pourvu que le choix existe, la ratification parlementaire est tout aussi démocratique que la ratification référendaire, et même la mieux adaptée pour des questions aussi "compliquées", il se range au côté de Cohn-Bendit.

Or, Quentin Dickinson est Directeur des affaires européennes à Radio- France. C'est, en un certain sens, comme on aurait dit dans les débuts de la Cinquième République, la "voix de la France". A cet éminent spécialiste des affaires européennes qui s'indigne que l'on puisse remette en cause la légitimité de la voix parlementaire pour la ratification du Traité de Lisbonne, il semble donc nécessaire de rappeler certaines vérités de bon sens.

Quelle différence entre la voix parlementaire et la voix référendaire, Monsieur Dickinson ? La même différence qu'entre un oui et un non : rien que cela ! En effet, tous les peuples qui ont, jusqu'à présent, ratifié le Traité de Lisbonne, l'ont fait par la voie parlementaire, aucun ne l'a fait lorsqu'on lui a donné la parole. Comment expliquer cette différence entre l'expression directe des peuple et celle de leurs représentants, et quelle leçon en tirer pour la démocratie ? Lorsque Nicolas Sarkozy et Angela Merkel s'entendent pour mener le ratification à son terme malgré le non irlandais, il est entendu que, pour eux, une telle opération n'est possible que parce qu'aucun autre peuple ne sera plus consulté par référendum. C.Q.F.D.!

Où allez-vous, Monsieur Dickinson, lorsque vous brandissez l'argument de l'antiparlementarisme ? Voulez-vous dire que ce n'est pas la voix du peuple, mais celle de ses représentants, qui doit être considérée comme la "vox dei" ? Ou prétendez-vous qu'il y ait une harmonie préétablie entre la voix du peuple et celle de ses représentants ? Difficile à soutenir ! Ou que lorsque, manifestement, il y a désaccord, il faut trancher contre le peuple, et en faveur de ses représentants ? Curieuse idée de la démocratie !

Quant à l'argument de la "complexité", que suggère-t-il, sinon que les peuples sont ignorants ou débiles, et qu'ils doivent s'en remettre, pour les questions qui les concernent, à d'éminents spécialistes ? Vous avez certes le droit de le penser, mais vous ne pouvez ignorer que ce que vous prônez alors, ce n'est pas la démocratie, mais ce qu'on appelle la technocratie. Si c'est là le régime qui a vos faveurs, dites-le, Monsieur Dickinson, ne vous prétendez pas démocrate.

Sachez qu'au Parti Ouvrier Indépendant, nous sommes démocrates, et que la plupart des Français le sont aussi. Et si cela ne suffit pas, si vous avez absolument besoin d'une autre autorité que celle du peuple, je m'appuierai sur un auteur éminent :

"Mais peut-être aussi que cette objection [la complexité ou la technicité (1)] n'est pas très juste, à moins qu'on ne suppose une multitude par trop abrutie. Car chacun des individus qui la composent sera sans doute moins bon juge que ceux qui savent ; mais, réunis tous ensemble, ils jugeront mieux, ou du moins aussi bien. Ensuite, il y a des choses dont celui qui les fait n'est ni le seul ni le meilleur juge ; ce sont tous les ouvrages que ceux mêmes qui ne possèdent pas l'art peuvent connaître : pour une maison, ce n'est pas seulement à celui qui l'a bâtie qu'il appartient de la connaître ; celui qui s'en sert en jugera aussi et mieux ; et celui-là, c'est celui qui tient la maison. Le pilote, de même, jugera mieux d'un gouvernail que le charpentier ; un festin, c'est le convive qui en juge et non le cuisinier. C'est ainsi qu'on pourrait résoudre d'une manière satisfaisante l'objection proposée.»

Voilà pourquoi nous ne saurions consentir à habiter cette Europe que vous prétendez bâtir pour nous, et que nous ne saurions accepter que, sur cette matière, on nous ôte le droit à la parole !

Mais j'oubliais d'indiquer l'auteur de cette citation, qui s'est penché sur la question bien longtemps avant vous, Monsieur Dickinson : il s'agit d'Aristote.

(1) Ajouté par nous.




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