Cantonales 2011


Réflexion à partir de la déclaration du POI à la suite du premier tour des élections cantonales.

La déclaration du bureau national de notre parti désigne, comme de juste, les résultats du 20 mars 2011 comme un « séisme politique ».

En effet :

  • « la défaite du gouvernement est écrasante »
  • « Le PS (et ses alliés) est lui aussi frappé par le rejet » exprimé par ces élection.
  • « L’abstention massive qui marque ce premier tour traduit le rejet, par le peuple tout entier, de la politique de misère, de chômage et de destruction sociale ».
  • elle marque aussi le rejet d’un régime politique où le suffrage universel est vidé de tout contenu du fait du consensus entre « droite » et « gauche » sur la mise en application des politiques de rigueur dictées par l’Union européenne.

Cela étant dit, et bien dit, il reste à reconnaître que si aucun parti, à l’exception du FN, ne peut se réjouir de ce résultat, le POI ne le peut davantage :

Le mécontentement populaire s’est traduit par une abstention massive, par une poussée du FN (même s’il perd 100 000 voix au premier tour par rapport aux dernières cantonales) , par les scores médiocres des partis « de gauche » qui n’ont pas tiré profit de la débâcle gouvernementale, tout cela est vrai. Mais notre parti qui a fait campagne, avec des moyens certes modestes, et dans le silence habituel des grands médias, n’a pas non plus tiré avantage de ce « séisme politique » du 20 mars, et il faut se demander pourquoi.

« La marche à l’effondrement des institutions de la Ve République et de l’Union européenne s’accélère ». Certes, mais nous qui le disons et qui faisons de l’abolition des institutions de la Ve République et de la rupture avec l’Union européenne le centre de notre action politique, n’en recueillons pas les fruits sur le plan électoral : si le peuple avait bien conscience que ce sont ces institutions-là et l’Union européenne qui sont cause de la « politique de misère, de chômage et de destruction sociale qu’il subit », ne porterait-il pas davantage ses suffrages sur le seul parti qui le dit ? C’est d’autant plus surprenant que lors d’une discussion un camarade s’est demandé si ce n'était pas en reprenant à son compte des mots d’ordre analogues que le le FN avait raflé la mise et si, de ce point de vue, nous ne l’avions pas un peu aidé.

Je sais bien que ce n’est pas pour les mêmes raisons que le POI et le FN appellent à une rupture avec l’Union européenne et à une sortie de l’euro ; idem pour les institutions de la Ve République. Ce n’est pas à moi qu’il faut rappeler tout ce qui distingue les deux partis, et tout ce qui les oppose ! Ce n’est pas moi qui tomberai dans un amalgame de tout ce que les commentateurs politiques désignent comme « les extrêmes » …

Il reste l’on est en droit de se demander pourquoi des mots d’ordres qui réussissent aux uns ne réussissent pas aux autres. L’exaspération porte nombre d’électeurs populaires (ceux qui ne se sont pas abstenus) vers le Front national ; pourquoi pas vers le POI ? Autrement dit, pourquoi le POI n’apparaît-il pas comme un recours, alors qu’il met au centre de son programme politique ce qui est manifestement au centre des préoccupations populaires ? Pourquoi, au lieu de cela, tant d’ouvriers se réfugient-ils dans l’abstention ou tombent-ils dans les bras du Front national ?

Revenons sur les termes de la déclaration : « Il s’agissait, ce 20 mars, de renouveler les conseils généraux qui gèrent les départements ». Précisément ! C’est parce que nous sommes attachés aux départements, comme nous le sommes aux communes, que nous avons présenté des candidats. Nous avons, pendant cette campagne, expliqué l’importance des départements et des communes dans l’architecture républicaine héritée de la révolution française. Nous avons exprimé notre opposition à la « réforme territoriale » mettant en cause les uns et les autres, et avons dit que voter aux cantonales, pour nos candidats, c’était une manière de résister à cette réforme. Bien sûr, « pendant le mandat écoulé, les conseils généraux ont tout accepté ». Voilà pourquoi il était important d’envoyer des candidats du POI dans les conseils généraux. C’est ce que nous avons essayé d’expliquer : nous n’avons manifestement pas été entendus !

Bon ! il n’y aura pas, ou il y aura très peu de conseillers généraux du FN. Bon ! la majorité des départements restera « à gauche », mais est-ce pour autant que les conseils généraux vont cesser de tout accepter ? Et le taux d’abstention record va-t-il les faire réfléchir un peu plus qu’auparavant ? Vont-ils entendre « l’avertissement » en réalité le coup de semonce, comme ils le jurent après chaque débâcle électorale ? Non, à coup sûr : déjà le FN se réjouit d’un « vote d’adhésion à ses thèses » ; les socialistes se félicitent de la probable conquête de quelques départements…. bref les uns et les autres s’emploient à minimiser le phénomène de l’abstention. En somme, tout va bien : la « gauche » se délecte de la perspective d’une victoire aux présidentielles, le FN de son « enracinement » dans le pays, la droite s’ingénie à trouver les moyens de se refaire, mais le chômage, la misère, la destruction sociale, les inégalités, il n’en est déjà plus question dans les états-majors des partis. On pense à 2012. On fait de la politique ! Et l’on s’étonnera après cela que le suffrage universel tombe dans un tel discrédit !

Car tel est bien le sens de ce scrutin : le « consensus » de la droite et de la gauche demandé par la droite et sournoisement consenti par la « gauche » a conduit la majorité des électeurs à les renvoyer dos à dos. Mais le POI, qui n’a cessé de dénoncer ce consensus, n’a pas pour autant été crédité de la justesse de sa ligne politique, alors que le slogan frontiste « UMPS » a fait mouche auprès de certains électeurs. C’est ce que je voudrais soumettre à la réflexion et à la discussion.

1. Il est vrai que le FN a bénéficié d’une couverture médiatique sans égale et sans précédent, alors que le POI a été superbement ignoré, si ce n’est nié dans son existence, perdu dans la nébuleuse « extrême gauche ».

2. Le FN n’a pas gagné de voix sur les thématiques de la sécurité et de l’immigration, mais il a récupéré celles que Sarkozy lui avait soufflées en chassant sur son terrain. Il les a récupérées d’autant plus facilement que Sarkozy a perdu toute crédibilité sur la question.

3. Le FN a de plus grappillé quelques voix dans l’électorat ouvrier en ajoutant à ses thèmes habituels la question sociale et la défense des services publics, aussi peu crédible qu’il soit dans ces domaines, mais à présent, il fait feu de tout bois et Marine Le Pen, en vestale de la « droite nationale », peut se permettre de dire tranquillement ce qui aurait, de manière trop évidente, sonné faux dans la bouche de son facho de père.

4. Les votes protestataires se sont répartis, inégalement il est vrai, entre abstention et vote FN, mais la gauche comme telle n’apparaît pas comme un recours ou comme une alternative crédible : elle ne se trouve dans un rapport favorable que par l’effet mécanique de l’abstention. La leçon de ces élections, c’est que le suffrage universel vidé de son sens, aucun parti ne peut plus se targuer d’un vote d’adhésion.

Certes, tout ne se joue pas sur le terrain électoral, comme voudraient le faire accroire ceux qui placent la démocratie dans le jeu pipé des institutions de la Ve République. C’est à juste titre que le déclaration du POI situe la réponse démocratique à la crise du régime sur le terrain de la lutte des classes « mobilisation du peuple désignant ses délégués à d’authentiques assemblées (…) qui désigneront à leur tour les délégués à une Assemblée générale constituante… ». Que ce soit une perspective réaliste, la mobilisation des millions de travailleurs qui ont manifesté contre la contre-réforme des retraites l’atteste, mais pour que cette mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse permette d’aboutir in fine à la convocation d’une assemblée constituante, il est indispensable de dégager les perspectives d’une possible avancée sur le front de la lutte des classes. Il faut bien reconnaître que depuis trop longtemps, il y a eu trop de reculs. La classe ouvrière n’est pas défaite, je veux bien l’admettre, mais elle est découragée par trop de revers et de trahisons, dont tous les partis paient aujourd’hui le prix, y compris ceux qui se réclament d’elle.

La classe ouvrière se détourne de plus en plus du suffrage universel, c’est ce que montre l’abstention massive des travailleurs aux élections cantonales, mais je crains qu’il ne faille plus loin. Que les travailleurs se détournent des partis qui se réclament d’elle (et il faudrait ici faire bien des distinctions et apporter bien des nuances) conduit à se demander si elle ne désespère pas aussi de la lutte des classes : c’est ce que vise la classe dominante, c’est ce dont elle voudrait se persuader et qu’elle voudrait faire accroire en prétendant qu’il n’y a plus de classes sociales, que ce temps est révolu.

La difficile mission d’un parti comme le nôtre est donc de faire renaître l’espoir et la confiance en faisant surgir des perspectives de succès, sur le terrain électoral comme sur le terrain de la lutte des classes, les unes préparant ou complétant les autres, mais il faudrait pour cela qu’il brise le mur du silence dans lequel il est à présent enfermé, qu’il se fasse connaître et reconnaître par l’électorat ouvrier et par la classe ouvrière comme le parti représentant leurs intérêts. Il y a là une double difficulté :

1. La première est de l’ordre de la « communication », comme on dit aujourd’hui, étant entendu qu’au nom de la « communication », nous ne sommes pas disposés aux exhibitions ridicules auxquelles on peut s’adonner à droite ou à gauche sous prétexte qu’il faut, pour se faire connaître aujourd’hui, s’adapter à la « culture de l’image » (Cf. les clips ci-dessous, qui montrent que certains politiques ne reculent devant aucun coup médiatique). Il reste que nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion sur les moyens de faire connaître nos analyses politiques au plus grand nombre.

2. La seconde réside dans le risque de découragement, voire dans la démobilisation de la classe ouvrière

  • Il est vrai que l’acceptation par les dirigeants des partis de gauche du cadre antidémocratique de la Ve République et de l’Union européenne explique largement les résultats de ces cantonales : elle donne à penser que plus rien ne se décide au niveau national, idée des plus démobilisatrices.
  • Il également exact que le taux d’abstention record chez les ouvriers exprime « le rejet d’un régime politique où le suffrage universel est vidé de tout contenu du fait du consensus entre « droite » et « gauche » sur la mise en application des politiques de rigueur dictées par l’Union européenne ».
  • Mais cette abstention est aussi un signe d’alerte, et pas seulement pour le parti au pouvoir en déroute, mais également pour ceux qui cherchent à le remplacer, peut être pour faire la même chose (au moins est-ce ce dont on les soupçonne).

Il nous appartient alors, si nous ne voulons par être mis dans le même sac qu’eux, de nous faire connaître (et reconnaître) comme un parti capable de proposer une alternative crédible en mobilisant sur des propositions politiques, et pas seulement sur des mots d’ordre.

Les campagnes qui ont été menées pour interdire les licenciements, puis contre la réforme des retraites et celles qui sont menées à présent contre la réforme constitutionnelle et contre la réforme territoriale sont importantes certes, mais il est encore nécessaire de les articuler et d’en manifester la cohérence en montrant qu’elles concourent à la réalisation d’un projet politique. Il reste encore à savoir sous quelle forme il peut être explicité dès lors que ce n’est pas sous la forme d’un programme, à la manière du PS par exemple, ou d’un « projet de société », notion obscure et qui ne relève pas de notre démarche propre.

La déclaration du POI, dans sa dernière partie, ouvre quelques pistes et indique quelques voies qu’il faut encore préciser et éclairer au regard de la finalité de son action militante, afin de bien montrer que la construction d’un authentique parti ouvrier indépendant n’est pas une fin en soi, mais un moyen.



Comment "faire un buzz (1) " sur le Net, ou la triste figure de la politique à l'heure d'une société du spectacle et d'un culte de l'image.

(1) On parle de quelque chose ayant fait son « buzz » pour désigner un contenu (video ou audio) qui aura été ébruité le plus possible au point d'avoir été vu par beaucoup de gens en un temps très court.

C'est d'avoir fait leur buzz qui a permis à Nicolas Dupont-Aignan et à Jean Mallot d'être les invités de l'émission de Frédéric Taddeï "Ce soir (ou jamais !)", sur France 3.

Allez, Gérard, tu le fais quand, ton buzz ?


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