WASHINGTON (Reuters) - En marge de la réunion ministérielle du G20 à Washington, les responsables économiques des pays de la zone euro se sont employés vendredi à écarter les rumeurs de marché sur une possible restructuration de la dette grecque.
"Je dois dire que toutes ces rumeurs et spéculations concernant une restructuration de la dette grecque sont totalement infondées. Ce n'est même pas une option", a balayé Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe et Premier ministre du Luxembourg.
"Aucune restructuration n'est en projet, ce n'est pas dans les tuyaux", a abondé Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, dans une interview accordée à Reuters.
"Elle ne serait ni nécessaire ni salutaire pour aider la Grèce à surmonter ses difficultés économiques, parce que la Grèce a besoin de réformes (...) Elle ne serait pas davantage bénéfique pour la zone euro. Elle serait même préjudiciable pour l'Europe."
par Jan Strupczewski et Gernot Heller
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Que l’on ne croie surtout pas que si les responsables économiques des pays de la zone euro refusent toute restructuration de la dette grecque, ce puisse être pour enrichir les banques et les spéculateurs.
Certes, la Grèce doit payer jusqu’au dernier euro, et quel que soit le prix de sacrifices et de restrictions, de privations et de misère pour la population, mais c’est pour son bien, qu’on se le dise. « La Grèce a besoin de réformes » (sic), c’est de ne l’avoir pas admis qui l’a mise dans cette situation.
On découvre dans la déclaration de Jan Strupczewski et Gernot Heller que la dette, et l’obligation de s’en acquitter, a une valeur pédagogique, à tel point que l’on peut même se demander si ce n’est pas à cette seule fin que la Grèce a été encouragée par les mêmes banquiers et spéculateurs à s’endetter. La finance internationale en userait avec les peuples comme la nature avec le genre humain, si l’on en croit Kant : elle fait en sorte, par un renversement providentiel, que les maux se convertissent en bien.
Voyons le raisonnement :
les Grecs se sont endettés, c’est leur faute ; ils doivent payer, c’est leur punition, mais c’est de cette punition même que doit sortir le bien : « les réformes » qui leur permettront de retrouver leur place dans le concert des nations européennes.
Renversons le raisonnement : le bien étant posé (la mise en œuvre des réformes), il s’agit d’imposer les moyens de son accomplissement : le paiement de la dette. Quelle meilleure stratégie, pour les puissances financières, que de soumettre les peuples en les précipitant dans la dépendance de la dette ? Les Goldman Sachs et autres "banksters" maîtrisent parfaitement cet art de soumettre les peuples, de leur donner les moyens de s’endetter en camouflant leur dette et de spéculer, dans le même temps, sur leur faillite.
Les responsables économiques de la zone euro, le FMI, la BCE, toutes ces machines à broyer les peuples demandent donc aux Grecs de faire de nécessité vertu, en acceptant « réformes structurelles » et plans d’austérité, transformant ainsi le rêve européen en cauchemar, le mirage de la croissance annoncée en récession et en sous-développement.Rien ne dit que le peuple grec soit disposé à absorber l’amère potion censée lui rendre la vertu ni à expier pour une dette que ses dirigeants ont eu l’imprudence de contracter en tombant dans le piège tendu par les spéculateurs de la finance internationale.
La puissance des manifestations qui ne cessent de se développer atteste au contraire qu’ils ont pris la mesure des attaques spéculatives dont ils ont été les victimes, avec la complicité active de ceux qui leur demandent aujourd’hui de se serrer la ceinture.
On lira avec profit l'article de l'économiste Gabriel Colletis "Crise grecque, le faux alibi de la dette": [Partie 1] [Partie 2]
2 commentaires:
1. Tu dis qu’on a forcé les Grecs à s’endetter. Comment le pourrait-on, puisqu’ils sont souverains ? Pourquoi se seraient-ils ainsi laissé manipuler, s’ils sont souverains ? Outre qu’elle apparaît assez improbable, cette approche est assez insultante pour les Grecs, puisqu’elle suppose qu’ils sont crédules. Il ne faut pas aller chercher si loin, et hors de la Grèce, les raisons de la dette grecque. Les Grecs ont emprunté parce qu’ils ont choisi de vivre au-dessus de leurs moyens, et de vivre à crédit (ou n’ont pas refusé de le faire, ou l’ont fait dans des proportions mettant en cause leur capacité à rembourser). D’autres choix étaient possibles. Ils auraient pu choisir ou d’accroître leur richesse collective au soutien de leur train de vie (ce qui aurait exigé toutefois qu’ils mobilisent davantage leurs facteurs de production, y compris le travail), ou de réduire (un peu) leur niveau de vie pour ne pas s’endetter (autant). Nous sommes dans la même situation, seuls la chronologie et le terme diffèrent.
2. Les Grecs doivent rembourser leur dette, non parce que ce serait bien ou mal, mais simplement parce qu’ont leur a prêté, en contrepartie d’une part du paiement d’un prix et d’autre part de leur engagement de rembourser, et qu’ils doivent tout simplement tenir leurs engagements. Ceux qui les ont financé l’ont fait dans le cadre d’un contrat, prévoyant échéances et taux d’intérêt, que les Grecs ont acceptés, il est normal qu’ils respectent les termes de l’emprunt, et qu’ils remboursent.
Voilà un commentaire bien carré, qui est supposé démonter d’un coup tout le raisonnement : « on n’a pu forcer les Grecs à s’endetter, puisqu’ils sont souverains ».
1. D’abord, je n’ai pas dit qu’on avait forcé les Grecs à s’endetter, j’ai dit que l’État Grec y avait été « encouragé » par les banquiers et les spéculateurs. On pourra expliquer la dette grecque par les causes internes que l’on voudra : la corruption et le développement d’une économie parallèle ; le clientélisme ; le manque de transparence dans la gestion des comptes publics et privés. Il reste que les « hedge funds », les banques et les agences de notation ont joué un rôle essentiel dans les difficultés de la Grèce et dans sa mise sous tutelle par la commission européenne. Je ne peux entrer ici dans le détail de ces attaques spéculatives - je renvoie à l’article de l’économiste Gabriel Colletis dans Marianne2 « Crise grecque, le faux alibi de la dette » (liens ajoutés à la fin de l’article "La Grèce doit payer")
Je me contenterai :
• de reprendre ce que déclare un éditorial du Monde intitulé « Spéculation » : « spéculer sur les difficultés d'un État à rembourser ses dettes accroît, voire provoque les difficultés de cet État » (Le Monde, 11 février 2010).
• de noter que, à la suite des hedge funds, les agences de notation, en dégradant la note de la Grèce, ont contribué largement à attiser les pressions spéculatives
• de remarquer que les institutions européennes se sont abritées derrière les marchés pour mettre la Grèce sous tutelle et lui imposer des réformes sacrificielles intenables.
Qui dira que derrière cela, il n’y a pas une stratégie ?
2. Ensuite, l’argument de la souveraineté du peuple grec est pour le moins sujet à caution : le peuple grec est souverain comme le sont les autres peuples qui, en adhérant à l’Union européenne, ont aliéné une part de leur souveraineté. De plus, dans cette union, il existe des rapports de force à l’aune desquels s’évalue la souveraineté de ses membres. Face à l’Allemagne, la Grèce ne pèse pas lourd : les maîtres de l’Europe font peu de cas de ceux qu’ils désignent par dérision comme les « PIGS » — cochons en anglais — (Portugal, Ireland, Greece, Spain). Comment des économies aussi inégales que celles de ces pays-là et l’économie allemande pourraient-t-elles converger dans un système monétaire unique, sous l’autorité souveraine de la BCE ? car elle est là, la véritable souveraineté, dans la Banque Centrale Européenne, non pas dans une nation qui a perdu sa souveraineté en perdant la maîtrise de sa monnaie.
Tu dis que les Grecs ont choisi de « vivre au dessus de leurs moyens ». Si tu y tiens, à condition d’admettre que ce « choix » est la conséquence du choix d’entrer dans l’Europe , et sur un tel « choix », il y aurait beaucoup à dire ! Les Grecs se sont aperçus que vivre dans l’Europe, c’était vivre au dessus de ses moyens, que le prix du mirage européen, c’était la perte de la souveraineté, la mise sous tutelle, et la mise en liquidation. Un vrai tour de « cochon » !
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