Assurance privée = zéro prise en charge



Comment le privé
prend en charge le risque dépendance.


Voilà une histoire vraie qui permet de prendre la mesure de ce qui nous attend si l'on confie aux assurances privées la prise en charge du "risque dépendance", dit encore "cinquième risque", selon l'expression utilisée par Xavier Bertrand lorsqu'il était en charge de la santé et de la solidarité. Car Xavier Bertrand, l'homme des assurances, était alors bien décidé à réserver la meilleure part de cette gestion, c'est à dire la part la plus rentable, au privé.

C'est aussi une histoire qui met en scène le groupe AIG (American International Group, Inc. ), l'un des chefs de file mondiaux de l'assurance et des services financiers qui a donné des sueurs froides à la finance internationale lors de la crise des subprimes. Il faut en effet rappeler que l'Etat américain a dû renflouer les pertes colossales du groupe pour éviter son effondrement et l'effondrement général du système.

AIG direct ! On se souvient sans doute des deux doigts formant un téléphone et du guiling-guiling provoquant l'intervention immédiate des services de santé (voir la vidéo en bas de page). C'est sans doute influencée par cette publicité à destination des personnes âgées que Jacqueline D., sentant sa santé décliner et ses capacités d'autonomie se réduire, avait souscrit un "Plan Senior Hospitalisation", pour une cotisation mensuelle de 33,50 € et une "Garantie Hospitalisation", pour une cotisation mensuelle de 63,70 €. Ces contrats promettaient de prendre en charge une éventuelle hospitalisation sous forme d'indemnités journalières.

Jacqueline D. n'a pu malheureusement juger du bien fondé de son investissement santé. Lorsqu'elle a été en effet hospitalisée, en janvier 2008, son état indiquait une maladie d'Alzheimer et une perte d'autonomie nécessitant sa mise sous tutelle. Or, ce qu'elle n'avait sans doute pas prévu, c'est que cette perte d'autonomie allait, aux termes du contrat, l'exclure de toute garantie. Voilà en effet ce que mentionne le contrat :

"ne donnent pas lieu au versement d'indemnité les séjours nécessités, quelle que soit la nature de l'établissement, par des personnes qui ont perdu, de manière irréversible, leur autonomie de vie ou dont l'état de santé nécessite une surveillance médicale ou sociale constante et/ou des traitements d'entretien, ainsi que les séjours effectués en service de gérontologie ou de gériatrie et ce, quel que soit le type d'établissement."

Voilà une clause restrictive assez singulière lorsqu'on considère la "clientèle" ciblée par ce type de contrats qui conviendraient assurément mieux à des personnes dans la force de l'âge qu'à des personnes du troisième, voire du quatrième âge ! Qui souscrirait en toute connaissance de cause un contrat excluant des garanties les circonstances appelant de la manière la plus urgente leur mise en oeuvre, un contrat qui dirait en clair : vous percevrez des indemnités en cas d"hospitalisation, sauf cette hospitalisation est absolument indispensable, en raison de problèmes de santé majeurs ?

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C'est pourtant ce qu'exprime le courrier du groupe AIG, (rebaptisé Alico après le scandale des subprimes) reproduit ci-contre. En clair :

Nous refusons toute prise en charge vous concernant en raison de la perte d'autonomie qui vous frappe. Inutile de compter sur nous pour vous assister d'aucune manière : autrement dit, circulez, y a rien à noir, ni surtout aucune indemnité à percevoir!

Et le groupe Alico pousse la "générosité" jusqu'à offrir à Jacqueline D. la possibilité de résilier son contrat, dès lors qu'il "ne peut plus lui offrir la protection qu'elle en attendait". Quel aveu ! Quelle protection peut-on donc attendre d'un "contrat hospitalisation", sinon une prise en charge en cas d'hospitalisation ?

Il faut encore dire, et ce n'est pas le moins scandaleux, que les primes ont continué d'être encaissées par AIG/Alico pendant plus d'un an après la date de l'hospitalisation, alors qu'à partir de cette date le contrat ne pouvait plus offrir quelque protection que ce soit : pas moins de 1944 Euros versés de janvier 2008 à septembre 2009 ;

1944 Euros partis en fumée, sans aucune contrepartie, sans l'apport d'aucun service...

1944 Euros empochés par Alico sans aucun risque pour le groupe, car s'il est une compétence que l'on ne peut contester à ces gens-là, c'est de savoir se prémunir eux-mêmes contre tout risque possible. Ainsi, la formule du virement automatique jointe au principe du renouvellement de contrat par accord tacite pourrait assurer des versements réguliers jusqu'à la fin des temps... ou au moins jusqu'à ce que le compte bancaire de Jacqueline D. soit en état d'être ponctionné, ou que la tutelle soit mise en place pour intervenir et pour résilier le contrat, bref le temps de 1944 Euros !

Par combien faut-il multiplier un tel chiffre pour avoir une idée des sommes qu'AIG-Alico Direct peut percevoir de cette manière ?

Le tuteur de Jacqueline D. a, comme il se doit, demandé à Alico, par lettre recommandée du 23 octobre 2009, la restitution à sa protégée des sommes indûment perçues. Affaire à suivre donc. Mais avant de connaître la conclusion de cette affaire, on peut faire quelques commentaires sur la "philosophie" de ces groupes d'assurances privées et intérêts financiers auxquels Xavier Bertrand voudrait confier la meilleure part de la gestion du risque dépendance. Ces groupes, c'est une évidence, sont animés par une stricte logique financière, par la recherche effrénée du profit, et le grand âge constitue pour eux une proie idéale. Le principe est simple : tous les risques pour l'assuré, aucun risque pour l'assureur ; cotisations maximales et prise en charge zéro !

Nous sommes aux antipodes du principe de solidarité qui régit la sécurité sociale de 1945. Comment ne pas voir que le risque essentiel consiste aujourd'hui dans le basculement programmé d'un système à l'autre, et que le seul moyen de s'en prémunir est de lutter pied à pied pour la sauvegarde de la sécurité sociale de 1945 ?

Suite de cette affaire ici.





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